- Chapitre I-I:
Je finissais de boutonner le reste de ma veste de costard. J'avais eu l'occasion de profiter d'une douche qui retirait la crasse sur ma peau. Ces nouvelles fringues étaient trop luxueuses pour ma carrure, mais je me contentais de ça sous le regard amusé de Lindsey. Elle n'avait pas le chic pour plaire aux hommes de mon âge, et je me voyais mal tomber sous son charme aussi mort que les premières intentions du haut du bâtiment de Downtown. Le coup des intestins qui dessinaient Los Angeles; du génie. Je l'observais dans la glace de sa salle de bain qui profitait de la vue pour perdre ses yeux sur mes fesses. Je soupirais quelques instants, voulant accentuer le malaise de sa nymphomanie cachée.
Tu comptes lui avouer quand que tu es sa mère? - Hmm? - Tu m'as bien entendu, tu veux attendre qu'elle meurt dans des circonstances bizarres? - Tu sais tout comme moi que ce n'est pas une bonne idée. - Je sais aussi qui est son père, mais j'en fais quoi si je lui dit que c'est clairement un ennemi à nous tous? - Vince t'as juste demandé de lui retrouver son père, pas de le lui dire... - Vous avez pas de morale... - On sacrifie quelque chose pour en sauvegarder une autre...
Je remettait convenablement la manchette de droite, venant m'observer de nouveau face au miroir en constatant mon reflet qui semblait rajeuni par une barbe plus entretenue. C'était un choc émotionnel caché par ma nonchalance. Je me tournais vers elle, et nous partions dans une voiture qui était encore plus luxueuse que celle de Mark. Jusqu'où avait-elle amassé de l'argent pour se payer ce genre de conneries. C'était encore plus intriguant en subissant sa conduite calme et contrastée de franchise sur les accélérations. Quelques moments d'inattentions et ma surprise était au top. J'aurai pu la tuer sur le coup si j'étais quelqu'un de nerveux, mais je m'étais calmé durant la soirée. La journée battait son plein, le soleil baillait la gueule grande ouverte de ses rayons qui usaient mes yeux. Je devrais investir dans des lunettes de soleil. Et Lindsey avait été intelligente.
Et toi alors tu comptes faire quoi avec ma fille? - Hein? - Si tu sais tout, pourquoi tu ne lui dis pas? - Est-ce qu'au fond, elle a réellement envie de savoir? - Demande-lui?
J'étais en train de demander des conseils pour élever une gamine, à la mère de cette gamine qui refusait de lui dire qu'elle était sa parente. Rien que dans cette introspection, mon cerveau dansait la salsa sous quatre-vingt kilos de LSD. J'en laissait un son désabuser s'échapper de ma bouche. J'étais vidé de tout sens logique et j'espérais qu'on ne parte pas plus loin dans le dialogue pour éviter l'overdose. J'appuyais mon coude sur le rebord de la portière, venant placer ma tête sur ma main atrophiée, puis je soupirais. J'allumais de l'autre une cigarette que je portais en bouche, inhalant tout que je pouvais pour mourir rapidement, mais je m'étouffais plus que ce que j'espérais. Lidsey en profitait pour ouvrir la fenêtre de sa voiture. La vieille n'aimait pas l'odeur de la clope froide sur les sièges en tissu "made in Taiwan" payés une fortune. J'étais persuadé qu'un pays lambda avait fait banqueroute après cet achat de mauvais gout.
Alors? - Quoi? - Mais tu comptes faire quoi alors? - Aaaaah mais lâche moi! Je trouverai bien! - Toujours la même avec toi... - Trop nostalgique vieille peau. - Connard.
Nous arrivions devant l'immensément grande maison Fitzermann. De face, je n'avais pas l'impression que l'incendie s'était déclaré. Le vieux l'avait joué "économies" et embauché un autiste doublé de Parkinson pour foutre le feu à la baraque. Les hommes employés à la garde se dépêchaient d'arriver nous accueillir en bon et due forme. J'en avais strictement rien à foutre mais pour le fond, je laissais faire leurs petites âmes volontaires. Pour des gars payés au bénévolat, ils étaient quand même bien heureux de vivre ici.
Bienvenue Monsieur Kaulins, Madame Lyons. - C'est ça, c'est ça. Où est Cal? - Elle se repose à l'étage.
Mes jambes avançaient toutes seules, je ne faisais plus attention à ce qu'ils me disaient tous. Lindsey restait en retrait pour m'excuser, j'étais pressé, et fallait pas me contrarier. Mais ça ils le savaient déjà. Ils connaissaient mon CV comme un exemple donné à chacun lors de leur entrée entre ses deux mille mètres carrés de terrain. J'étais l'homme à tout faire après tout. J'étais celui qui rivalisait avec ce bon vieux majordome qui m'attendait à la porte. Celui qui savait encore pour ses soixante-dix ans me faire plier en cinq; à cracher du sang par tous mes orifices. Je le saluais amicalement, et il me laissait entrer avec son regard noir. Equinox avait toujours eu ce regard menaçant. Tendre avec les proches de monsieur Fitzermann depuis qu'il savait marcher en couche, jusqu'à le suivre dans son empire. Et le dernier souvenir de tous les morts qu'il laissait derrière lui. Si Mark se déplaçait avec le majordome, le sang ne se comptait plus en littres. Plutôt en containers.
J'entrais alors que Kaya sortait du bar en se ruant vers moi. Elle voulait me dire quelque chose d'important.
- Chapitre I-II:
Dans mon empressement, je me décalais de Kaya qui allignait ses phrases comme un robot. Ne faisant pas attention au fait que je ne l'écoutais absolument pas. Jusqu'à ce qu'elle me prenne le bras, venant alors plonger ses yeux dans les miens, tapant dans l'intimité. Là où ça fait mal, et elle ajouta:
Hawks est là! - Tu permet? - Hein? - Cal passe avant Jason. Il est là, il va pas s'évaporer. - Ah... Euh... Non. - Bien.
Je me doutais de l'impatience du bonhomme de m'attaquer de questions pour comprendre l'histoire de ma vie, et encore, j'avais moi aussi du mal à comprendre l'intégralité des choses. Je montais les marches, tandis que Kaya rejoignait tête baissé le bar. Je l'avais vêxé apparemment, mais je m'en soucierai que plus tard. Je finissais de grimper à l'étage, saluant de la main les gars qui regardaient dans la pièce d'à côté les performances d'un quarterback prodigieux. Je m'arrêtais devant la porte fermée de la chambre de Cal, hésitant à l'ouvrir par peur de déranger son repos. Je tournais la tête dans une hésitation. Le vieux m'avait rejoint sans faire un bruit, manquant même de me surprendre. Il était là, mains croisées à hauteur de hanches, ses rides parlaient pour lui. La peine se lisait sur son visage et il ajouta au travers de ses cordes vocales fébriles.
Vous ne devriez pas malmener cette petite... - Papy... Si y'a une chose que j'évite c'est bien ça... - Cette époque n'est plus la même qu'à la notre Ethan. Nous n'avons plus besoins d'enfants conditionnés à faire ça. - Merci... J'en suis conscient. - Bien... Si vous me cherchez je suis avec le reste, en bas.
Il repartait un peu plus soulagé. J'observais le placement de ses pieds et le bruit de ses pas. Il ne faisait vraiment pas de bruit. Comme si il ne touchait même pas le sol. Et pourtant il marchait comme n'importe qui, sans l'option sonore.
Equinox... - Ne m'appelez pas comme ça Ethan... - C'est ce nom que je respecte... - Je vous écoute. - Merci de vous soucier de Cal.
Il n'ajoutait rien de plus, m'observant de sa tête tournée à quatre vingt dix degrés sur sa droite. Il s'arrêtait un bref instant avant de reprendre sa descente dans les escaliers. Il m'a semblé l'avoir vu me sourire. Mais si on comparait ça avec Kaya, lui était bien pire à tous les niveaux d'expression faciale. Je soupirais de nouveau, reportant mes yeux sur la poignée que j'actionnais alors en entrant dans la chambre. J'essayais de faire le moins de bruit possible, en m'arrêtant dans ma lancée. En face de moi se trouvait un corps nu d'une gamine de seize ans. Elle était en train de se changer, et l'information avait mis du temps à monter dans mon cerveau, et dans le sien. Nous nous regardions tous les deux. Puis le premier coussin percuta mon visage avant que le corps de Cal ne vienne faire force inverse sur la porte, la refermant à toute blinde contre mon nez. Son cri ne passait pas inaperçu.
PUTAIN ETHAN! - Hey! Tu devais dormir! - FRAPPES AVANT D'ENTRER! - ET SI TU DORMAIS?! - JE NE DORMAIS PAS!! - JE POUVAIS PAS SAVOIR QUE T’ÉTAIS NUE PUTAIN! - MAIS LE CRIE PAS COMME CA! - JE PENSAIS QUE TU DORMAIS!
Bras croisé. J'attendais une bonne dizaine de minutes dans le silence retombé. Elle ouvrait la porte encore rouge de pudeur. Je n'était pas gêné. Elle oui. La différence d'âge et de maturité était là. Elle se posait sur le lit alors que je la rejoignais, venant soupirer au même titre qu'elle de la situation. Elle grimaçait par instants, sa main droite était bandée jusqu'à la moitié de l'avant bras et elle ne le bougeait presque pas.
Fait moi voir ça. - Ca va... - Fait voir.
Elle relevait son haut jusqu'au soutien gorge. Mes yeux rejoignaient les sutures qui se trouvaient à l'abdomen. Je venais de retirer le pansement en palpant doucement tout autour. Ce n'était pas gonflé et ça semblait ne pas empirer. J'étais en un sens soulagé même si ça ne faisait que quelques heures qu'elle était dans cet état là. Je mettait son état en réserve et remettait correctement son t-shirt. Je me relevais en plongeant mes mains dans les poches de ma veste de costard et je rejoignait la sortie de la chambre en étant de nouveau interpellé.
Il s'est passé quoi ensuite? - Comment ça? - A Collinas... - Tout est réglé... - Vraiment? - Vraiment. - Tu aurais fait quoi si j'étais morte...? - J'ai rien envisagé de tel.
- Chapitre I-III:
Je laissais la porte ouverte en même temps que Cal qui se relevait du lit. Mon smartphone vibrait alors et le temps que je le porte au yeux, l'appel était manqué. Tia avait tenté de me joindre et la messagerie était vide. J'étais rapidement harcelé par deux SMS simples et concis. Elle n'avait pas perdu le nord et Kaya s'était surement fait un plaisir d'envoyer un message. Le contenu était simple: "JE VIENS!" et "DONUTS?". Je n'étouffais pas mon rire. Ca faisait longtemps que je n'avais pas mangé une sucrerie de ce genre là, et je répondais par l'affirmative bourré de correction automatique qui se concluait par "OUI" et "IPSÉITÉ" qui collait étrangement à la personne à qui je m'adressait. Encore une fois Dieu se marrait bien en cet instant de repos. Je descendais les marches lentement, comme l'envie à contrecœur de rejoindre la troupe du bar. J'étais bien dans ma solitude et parfois elle me rappelais à l'ordre. J'estimais en me rassurant que c'était l'histoire d'une petite heure, à répondre de mes mensonges face au collègue qui avait survécu le plus longtemps à mes côtés, et qui s'était retrouvé impliqué dans toute cette merde, surement par ma faute.
Si je n'avais jamais parlé de lui à Kaya, je pense que les choses auraient pu être différentes. Largement différentes. J'entrais alors dans le bar où le silence de marbre contrastait avec la sonorité jazz du vinyle du fond; l'ambiance était propre. Mark sur son sofa avec son verre à moitié plein. Kaya sur le canapé et à ma droite, pas loin de la sortie; Hawks qui m'observait quelques instants. Je n'aurai pas pu dire ce qu'il pensait à l'instant T. Et je soupirais face à lui avant de le saluer comme il se doit.
Yo.
Bordel de merde. En guise d'effort j'étais plutôt fier de moi. Mais coupable, je me reprenais rapidement.
Bienvenue là où je n'aurai jamais cru que tu viendrai... Tu t'adaptes? - J'ai envie de dire oui, mais j'ai plus l'impression que c'est un bordel sans nom ici. - En vérité, tout le monde la joue timide ici hein...
Je finissais de me servir un verre de mention japonaise et me tournais vers les trois autres acteurs, en plus du bon vieux majordome qui je fondait presque dans le mur, tellement sa discrétion m'épatait. Mark et Kaya ricanaient tous les deux. J'observais mon verre, et je comprenais le malaise.
Y'a pas de cyanure, tu peux le boire.
La tuer. Lui coller la plus belle balle entre les deux yeux dans l'axe de la symétrie de son visage. De mon vivant, je n'avais jamais entendu une blague d'aussi mauvais gout. Et même durant ma mort, les blagues comme ça n'existaient pas. Je soupirais, en crescendo avec Jason qui voulait certainement mourir pour la deuxième fois en peu de temps. Puis le silence revenait dans la pièce, ne laissant plus que le cliquetis de l'horloge et le métronome de la musique en concordance pour accentuer ce dernier. C'était l'enfer et pourtant, personne n'était en danger. Dans le couloir, des pas discrets s'entendaient. Cal pénétrait alors entre nous quatre, gênée surement. Elle fixait Jason qui la regardait par la même occasion. J'espérais que notre situation change immédiatement. Et elle avait bien joué. Une adolescente qui n'avait pas la langue dans sa poche.
C'est lui?
Elle le pointait du doigt en me regardant, ne se souciant pas de son geste, ni même de sa réponse. Mais il n'avait pas répondu. Il tournait son regard vers moi qui affirmait à la question de Cal.
D'accord.
C'est tout Cal? Tu as su faire preuve de grande gueule pendant plus de deux mois et là, d'accord. Le silence revenait de nouveau, et pour parfaire le tout, il était rompu une nouvelle fois avec une course élancée dans le couloir. J'entendais de là la terre se détacher des chaussures et salir le carrelage. Le carton était secoué mais maintenu que d'une seule main. A présent elle entrait dans la pièce, innocente presque à son habitude.
J'ai ramené les donuts!
A bout de souffle, elle avait traversé le jardin sans se ménager. Et souriante, elle regardait pour finir Jason qui relevait son regard. Comme si jamais rien ne s'était passé. Aussi belle qu'au premier jour. Tia n'avait pas pris une marque de plus sur le visage, celles que je lui avait faites n'étaient pas restés. Et dans son dernier geste pour déposer le carton sur le bar, elle ne laissa pas le temps à Jason d'ajouter ou de comprendre, l'enlaçant pleine de joie, mélangeant sa peine et ses peurs passées à l'instant présent. La première larme était pour lui. Les autres ne nous étaient pas adressées non plus.
- Chapitre II-I:
J'observais Cal qui se contentait de regarder Jason comme un enfant ébloui par la gueule du monument d'histoire qu'on pourrait suivre dans un cours de lycée. Ses premières pensées devaient certainement sentir l’innocence à plein nez. Un léger pincement au cœur en voyant l'homme le plus froid du monde enlacer une japonaise que je connaissais trop bien. J'avais l'impression qu'au moins une fois dans sa vie, elle ressentait quelque chose qui lui était réciproque. Mark quant à lui continuait de siroter son verre pour le finir avant de commencer à porter des mots à sa fille, qui lui répondait sans que j'écoute; tout du moins, sans que je sois trop curieux pour écouter. Et puis la petite se retournait vers moi, le sourire aux lèvres avant de laisser place à sa voix pure. J'en manquais de recracher mon whisky dans la foulée.
Il a pas l'air si méchant comme ça. - Ravise toi, c'est une façade que je découvre moi aussi. - Ah. - Il a tenu tête au vieux, au noir, à la brunette, à la jap' et à moi. Donc il est pas facile à vivre. - M'okay...
Je détruisais les espoirs de Cal à néant, ne voulant pas qu'elle s'attache de trop à quelqu'un qui refoulait toutes les avances envers sa personne. Ils discutaient tous les deux, des questions du genre à rattraper trop d'années en arrière, en l'espace de cinq minutes. L'intention était bonne, la mise en pratique était totalement foirée avec eux. L'un valait la mise en scène théâtrale de Toro et l'autre l'histoire sordide d'un jeu risqué entre la police et les Fitzermanns. D'ailleurs, c'est à croire qu'elle avait carrément quitté son job pour n'enquêter que sur Jason et nous rejoindre par la même occasion. Je soupirais en finissant mon verre que je resservais du même liquide impur que précédemment. Cal m'observait.
Il t'arrive quoi Ethan? - Hmm? - T'as pas l'air comme d'habitude. - Je me souviens juste que j'aimais boire quand je voyais Jason dans les parages. - Hein? - Tu comprendras un jour.
Elle retournait à ses occupations, pianotant par la même occasion sur son téléphone pour s'excuser de ne pas avoir rejoint ses amies à la plage le jour d'avant. Elle se faisait engueuler en leur promettant qu'elle leur expliquerai tout au travers d'un mensonge bien ficelé. La gêne du feu s'éloignait lentement, je sentais mon corps respirer de nouveau après que j'aie nettoyé la crasse au travers d'une douche rapide chez Lindsey. Je la cherchais du regard sans la trouver dans la pièce. Elle s'était certainement éclipsée en haut avec les hommes de main. Ou avec Equinox qui devait certainement préparer la bouffe.
Une main sur mon épaule, Mark m'interpellait alors, venant soupirer avec Kaya qui me rejoignait.
Hawks veut la peau de Toro. - C'est embêtant. Mark vous en pensez quoi? - Je n'aurai pas dit mieux. - Hmm. - Tu sais ce que j'en pense Ethan... - Quand bien même; il est certainement trop borné pour rester là à rien faire.
Je portait mon regard sur Jason qui se contentait de discuter avec Tia qui semblait perdre son faciès heureux. Comme quoi, il ne pouvait certainement pas rester là à rien faire. Attendre qu'un vieux afro vienne lui faire la peau était trop demandé. C'était pourtant le meilleur des plans jusqu'à ce jour. Ou du moins, ce n'était pas le plus mauvais.
- Chapitre II-II:
Ils repartaient tous les deux plus loin dans la pièce en me laissant dans mes songes. Je réfléchissais à un moyen de contrer la moindre des tentatives de Jason que de filer affronter un négro et son armée paramilitaire. Kaya avait bien compris que dans cet instant précis, il valait mieux me laisser réfléchir à quelque chose qui serait productif; autant pour elle que pour moi ou n'importe qui d'autre. Je grinçait des dents, venant reprendre une nouvelle gorgée de mon ambre liquide. Je soupirais un peu plus, me grattant l'avant bras qui me démangerait à la suite de la légère brûlure qui frottait sous la manche. A priori, la meilleure solution restait de tout expliquer à Jason qui ne comprendrait pas forcément la situation dans laquelle il se trouvait. Lui avouer que dans un premier temps, Tia enquêtait sur lui dans l'optique de le mettre derrière les barreaux. Que Kaya souhaitait juste ajouter quelqu'un à sa petite armée personnelle. Que Mark n'y voyait qu'un nouveau sujet d'étude sur la rédemption. Et que moi, je n'était qu'un monstre parmi les autres à la charge d'une fillette que j'évitais de faire devenir comme nous; sous risque d'y perdre la vie en plus de celui qui s'additionnait avec Toro.
On dirait Kaulins. Vous voulez tout les deux jouer des rôles qui, de toutes évidences, vous dépassent. Vous avez juste assez de chance de rester vivant...
C'était la réplique rêvée de Tia. Je profitais de cet instant pour me convier à la discussion, tâter le terrain et essayer de trouver la brèche dans ce merdier sans nom qu'était la détermination de Jason Hawks. Je me glissais entre les deux, taclant Tia par la même occasion pour m'avoir mêlé à cette connerie alors qu'elle comprenait MES motivations.
Hey! Une bridée et de la philosophie... Confucius est de retour?
Je voulais mourir pour cette blague de mauvais goût sortie du tac au tac sans réflexion. Comme si ce n'était déjà pas assez oppressant, le blanc instauré venait se rompre avec le glas de l'horloge. Il était temps pour nous de déguster un repas de plus, ou de moins avant la mort. C'était une question relative à laquelle je préférais entrevoir l'espoir de m'en tirer. Le vieux traversait la salle, préparant l'intégralité de la table et comme à son habitude, son regard envers ma personne me donnait des sueurs froides. Je le craignais bien plus que n'importe quel autre de mes assassins. Je reportais alors mon regard vers le couple réunis. La rupture n'était pas loin. Mécaniquement je relevais un sourcil dans un soupir désabusé en comprenant qu'il ne comprenait rien. Et qu'elle était encore impuissante face à lui et ses propres sentiments.
Hawks. - Quoi? - T'en a pas marre de briser le cœur de cette gamine? - Fallait pas me la ramener à l'époque.
Je soupirais un peu plus en me frottant le visage. C'était devenu un sacré cas après ces années. J'arrivais à le supporter encore un peu plus, tendant drastiquement ma patience à la limite de la rupture. Mais c'était l'élément phare de cette journée. La rédemption passe aussi par l'erreur et celle-ci, bien que moindre, en faisait partie.
Que veux tu... Elle ne savait pas se servir de ses dix doigts.
Je relançait la conversation face au silence de Tia. Afin de ne pas effriter plus son honneur qu'il ne l'était déjà.
- Chapitre II-III:
Tu foutais quoi Hawks? - La même chose que toi Kaulins. - Ah ! Toi aussi tu t'occupais d'une gamine qui a fait explosé tout ce bon whisky. - Putain de merde, c'est de sa faute? - Mon pauvre whisky... - Tu m'étonne...
C'était une marque de fabrique que de se moquer de la perte précieuse des vivants. La dérision était le meilleur des remèdes face à notre survie commune. C'était certainement pour ça que nous nous en sortions toujours, dans n'importe quel cas. Sous le manque de sérieux évident envers une situation, notre esprit était conditionné pour fonctionner au plus haut sans le stress de l'échec. C'était ainsi depuis le début. Depuis toutes les pertes subies au sein du LAPD. Depuis mon enfance jusqu'à maintenant, j'étais conditionné pour ne rien prendre au sérieux, sauf quand cela concernait la vie de ceux avec qui je m'estimais proche. En une fraction de seconde, mon air désabusé pouvait se transformer en celui d'intéressé jusqu'à échanger ma propre vie pour celle de quelqu'un d'autre. Mais le plus souvent, je le gardais pour moi. Laissant me conforter dans l'idée que ma vie n'avait au final que peu de valeur.
Alors comme ça, Toro essaie de te tuer aussi? - Ouais. - On dirait que tu t'es encore foutue dans la merde. - C'est l'histoire de ma vie. - Ça serait plutôt l'histoire de ta mort à ce niveau là. - Quoi? Toi aussi tu va me dire qu'on peut pas tuer Ray Toro ? - Estime toi heureux... Il peux pas nous tuer non plus apparemment. - Vue comme ça.
Dans le fond, c'était une réponse évasive. Il était possible de le crever au vieux, mais surement au détriment de beaucoup plus de dégât chez nous qu'une seule vie de retirée. Et j'appréhendait déjà le sacrifice de Tia qui ne savait pas quand s'arrêter avec lui, décidant de quitter la pièce pour l'instant. Je soupirais un peu plus, laissant Cal nous rejoindre après s'être intéressée à notre discussion. Ou plutôt, après avoir fini de s'excuser auprès de ses camarades.
Dis voir le monstre, ça te dirait pas de rattraper ta copine?
Je manquais de mourir d'étouffement avec mon whisky. Applaudissant bien fort Cal dans ma tête qui fièrement, le regardait avec son air d'adolescente provocatrice. En regardant bien Jason, je comprenais qu'il l'avait pris de travers. Au risque de tuer psychologiquement une petite fille de seize ans.
T'es qui à me parler comme ça? - Surveille tes propos le vieux. D'ailleurs, j'ai une question. - Et c'est sûr que comme ça je vais t'y répondre connasse. - Mais... - M'allez... Pose ta question. - C'est quoi votre relation avec Kaya? - Tu veux pas savoir. - Bah en fait...
Il la laissait là, prête à lui déballer sa vie. Il s'extirpait de la pièce alors qu'elle se retournait vers moi, vexée en plein milieux du visage. Lisible à des kilomètres à la ronde. Elle soupirait en marmonnant.
Je ferai mieux de t'écouter... - Hein? - J'ai dis: je ferai mieux de t'écouter... - Ah.. Je t'avais prévenu... - Oui...
Un nouveau soupir dépité, et elle se déplaçait vers la table avant de prendre place. Le père et la fille continuaient de discuter et je rejoignais de nouveau le bar, finissant mon whisky après avoir trouvé la réponse à mes questions. Je me retenais de casser le verre par mégarde, et je retrouvais Kaya assise encore sur le canapé d'une manière plus que communicative envers ma personne.
Alors? - Tu comptes vraiment sur moi pour le babysitting? - Non non... Je voulais juste savoir ton avis sur Jason. - J'en ai pas. - Hein?
C'était simple, je n'arrivais pas encore à distinguer si il était une menace pour nous ou bien un bénéfice. Son impulsivité me rendait incapable de penser qu'il resterai dans ce confort de vie. Je soupirais de nouveau face à Kaya en sachant pertinemment qu'un homme qui naît dans le sang, y replonge forcément.
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