C H A P I T R E 13
- Troubles:
Je m'extirpais en dehors du hangar les mains dans le fond de mes poches. La cigarette sur laquelle je tirais perdait bien trop vite sa cendre. Une expiration du trop plein de nicotine qui s'achevait par une longue inspiration. Je savais désormais que j'étais en danger pour m'être vu braqué par le collègue de celle qui aurait donné sa vie pour Jason ou moi. Néanmoins mon égoïsme persistant avait valu un dilème de première catégorie pour Tia. Choisir qui d'entre lui ou moi devait mourir pour la mémoire de Kaya. Et alors que je comprenais que son choix s'était porté sur moi, je clignais des yeux en apperçevant à l'autre bout du désert ces bons vieux SUV lancés à la poursuite de ma mort. Il faisait une chaleur à crever de déshydratation si ce n'était pas les balles qui seraient les premières à me coucher. Je tournais ma tête en constatant les sangles qui restaient de mon interrogatoire. Je l'avais laissé filé en apprenant que Cal était toujours en vie, et bien évidemment, dans le sens opposé où ses "employeurs" arrivaient. J'entendais au plus profond de mon être un cri de peur. Mon âme tremblait en constatant que derrière ses trois véhicules, il y en avait six autres. Et ma chance n'avait pas fait tomber les dés du bon côté. J'avais évalué un total de trente personnes déplacées juste pour me faire la peau.
Je pense que même la reine était dans l'un de ses 4x4, pour me desservir le rôle de chevalier, et me laisser faire un suicide en bon et due forme sous le regard du prince Harry. Putains d'anglais. Putain de vie. Je retirais lentement la sécurité de mes holster, dévoilant dans chaque main deux desert eagles biens chargés. Un premier tir arrivait en ma direction, j'y répondais d'une simple balle tirée au hasard en direction d'un conducteur. Manque de pot, à un kilomètre il m'était difficile de faire mouche. Je refermais les yeux lentement, j'évacuais mon trop plein de stress en controlant ma respiration. Je repensais à trop de choses pour m'éviter de croire à ma mort future. Puis je les rouvrais. J'avais déjà bien entammé les festivités. A l'abris derrière un pilier du Hangar, je me serrais pour éviter les balles. Ils étaient bien arrivés à pleine allure et je m'étais réfugié entre les tôles car c'était mon endroit. Je le connaissais mieux que n'importe qui.
Allons Kaulins! Tu comptes vraiment t'en sortir?! - J'ai toujours été bon pour négocier avec la mort!
Ce n'était plus de son âge ou du miens, mais quand la mort ne veut plus de vous, il faut respecter son choix. Les heurts des douilles continuaient en ma direction, leurs M4 étaient infatiguables. Sur ma droite, je tendait mon bras, logeant une balle entre les deux yeux d'un gars au trop plein de zèle. De l'autre côté une grenade roulait à mes pieds. Je l'esquivais en roulant derrière une rambarde semi-enterrée. D'autres échanges de tirs, d'autres morts avant que je ne vide mes derniers chargeurs. Je soupirais en observant le pilier central au trois-quarts défoncés. Les armes des cadavres frais étaient trop loin.
Au le sais pourtant que tu n'as pas de chance de t'en tirer!
Il aurait peut être fallu penser à cette option avant. Je soupirais derrière mon abris alors que les tirs se rarifiaient. Je sortais mon portable de ma veste avant de le placer en miroir sur le sol. J'avais fait du bon boulot. Il n'en restait que cinq debout, en plus de "la tête pensante". Et si un jour on m'avait dit que je devais affronter un fléau comme lui, j'aurai peut être préféré mourir bien avant. Un nouveau soupir s'échappait nerveusement alors que je décidais de lever mes mains en dehors de ma couverture. Mauvaise idée qui me traversait la paume de la droite. Maintenant trouée, je venais de lâcher un cri de douleur nerveuse.
Pas de happy end pour toi!
Et je venais de réaliser une chose dans cette phrase. Jason et moi nous étions trompé sur certains points importants. Voire même sur l'origine de cette traque. Le père Fitzermann avait fait son deuil convenablement, ce n'était pas l'élément déclencheur. Si on voulait savoir à quoi ressemblait un Fitzermann masculin, nous avions la réponse. Un homme qui savait quand s'arrêter, surtout quand il fallait protéger Cal et l'aider à retrouver son père. Derrière moi ne se trouvait pas un des Fitzermann. Mais un homme au dessus. Je venais reprendre mes esprits en tirant mon cran d'arrêt, que je dirigeais alors sur un sac de sable à ma droite. D'un simple geste il finissait éventré alors que je jetais le sac dans un dernier effort. Quelques secondes de répits qui me menaient face au poteau central que j'enfonçais de mon épaule. Le choc me l'avait déboité, et ma lancé s'était conclue par un fracas simple. A moitié défoncé, il avait cédé sous le choc qu'accompagnait l'adrénaline. Je me tournais sur le ventre, protégeant ma tête. Les fracas s'intensifiaient lourdement alors que le monde s'écroulait tout autour de moi, j'entendais seulement la comptine de Noa. C'était une douce berceuse qui amenait de la paix dans ma tête. Un choc, un second qui accentuait l'impact sur mon dos. Quelques secondes qui parraissaient une belle minute. Ma côte se brisait doucement, amenant les morceaux entre les parties de mes muscles. Je ne pouvais plus expirer suite à la douleur. Et avaler de l'air me perforerait certainement le poumon. Tandis que je m'y tentais, la dernière tôle embrassa mon crâne, enfonçant mon nez un peu plus contre le bitûme.
Je rouvrais les yeux lentement, réalisant qu'on me sortait des décombres. Quelqu'un était là pour m'éviter de mourir oublié. C'était une chaude lumière d'été qui parcourait mon visage alors que mon corps rougissait sous le sang. Je n'entendais plus rien, le choc avait provoqué des acouphènes. On me tirait un peu plus en dehors du sable écarlate. Puis on me laissait un peu plus loin, revenant face à moi qui ne pouvait pas bouger. Ma joie se métamorphosait en peine. Je créais le contact avec mon sauveur qui serait certainement mon dernier. Un rire nerveux et douloureux, c'est la seule réponse que j'ai pu lui donner avant de soupirer.
Quelle émouvante façon de mourir. Là où tout à commencé pour toi. J'en pleurerai presque. - Ray... - Rien de personnel hein, mais à cause de toi ni Effy, ni Mia, ni Kaya n'ont survécu. - T... Tu as tué Effy. - Oh? Elle s'est suicidée pour aller au bout de ses convictions. Tout le monde est mort au bout de ses convictions. Sauf toi, et le Chef du LAPD. - Ha...
Je fermais les yeux de nouveaux. La première balle se logeait dans mon sternum, si ce n'était pas le coeur. Mon sang revenait jusqu'à ma bouche en guise de réaction troublée par l'organisme. C'est bizarre devait penser mon coeur, il y a un trou au mauvais endroit.
Au final. En protégeant Cal, tu ternis leur nom. En protégeant Hawks, tu signe ta fin.
C'était certainement ce que j'avais cru entendre alors que la nouvelle détonation abrégeait mes tympans.
- Lyons:
La jeune fille se tenait là, face aux innombrables décombres qui désignaient ce que semblait être le Hangar. Au dessus de ces dernières, un homme, droit expirant sa bataille vers le soleil avant que ne se dévoile le corps de son ennemi. Elle restait là sans rien faire, à bout de souffle entre deux reprises d'air. Elle avait couru à la limite que lui avait accordé son corps blessé trois heures auparavant. Les collègues du vainqueur continuaient de scruter la zone en cherchant des survivants de leur équipe. Ils étaient arrivés une trentaine et n'allaient sembler repartir qu'au nombre de quatre. Cal venait s'accroupir derrière l'un des 4x4 teintés de noir, sa main gauche en appui sur la carrosserie avant de pencher son corps un peu plus en direction des hommes. Elle n'avait pas encore été repérée et c'était à son avantage. L'afro encore debout venait se tourner en direction des véhicules, laissant un ordre sortir de sa bouche en direction de ceux qu'il avait employé.
Vous me retrouvez la gamine. - Laquelle? La bridée ou l'autr-... - Lyons. - Hein? Attends ça veu-... - T'as une seconde pour fermer ta gueule.
Ils se retournaient maintenant tous en direction des véhicules, comme voulant repartir en ville. Ils laissaient le bordel causé comme il était. De toute manière les charognards ne se faisaient pas prier et observaient déjà d'un œil redoutable le massacre qu'ils laissaient derrière eux. Cal en avait profité pour se rapprocher un peu plus des tôles qui garnissaient le sol. Cognant par la même occasion contre l'arme d'un des corps présents. Les mercenaires venaient se tourner en direction du bruit.
Eh bah putain! Tout vient à moi!
Il arma le canon dans la direction de Cal qui ne se contentait que de courir. Quelques rafales lui frolaient le corps alors qu'elle se fit glisser sous les débris, commençant à naviguer entre eux afin de changer de position.
Petite! T'imagine même pas l'importance que tu as à être morte! Ils veulent tous la paix mais franchement, y'aurait plus de petit grain de folie! Plus de tension ou de non-dits! Faire la paix entre les deux familles... Quand je les aurai bouffé, au moins elles seront pas mortes en vain!
Elle ne rétorquait pas, se contentant de se faufiler de manière à se rapprocher d'Ethan et de confirmer sa situation. La quantité de sang qu'il laissait sur le sol était bien plus importante qu'elle ne l'imaginait. En voulant s'extraire, elle constata sur sa droite une rangers qui s'approchait un peu trop d'elle, restant à sa place. Elle chercha à tâtons quelque chose qui aurait pu servir pour sa survie, ne se satisfaisant que d'un morceau de métal. Un éclat qui avait suivit les détonations des grenades. Elle laissait l'homme s'avancer, se glissant en dehors des décombres. Elle soupira, avant de lui sauter à la gorge, la déchirant avec ce simple morceau. Par réflexe, il tira avant de s'écrouler avec elle à terre. Une simple roulade sur le côté en ayant ramassé la M4, elle se redressa rapidement avant de tirer une série qui termina sa course sur un autre des hommes. Cal cria en laissant l'arme s'échapper de ses mains, le recul était bien trop fort pour les épaules d'une gamine de seize ans, et elle venait de le comprendre en constatant qu'elle était démise.
A peine remise de ses douleurs, elle chercha du regard l'afro qui était venu à bout d'Ethan, le constatant alors sur sa droite, lancé de tout son poids l'épaule en avant avant de l'écraser par terre. Elle se débattait tant bien que mal mais le vieux avait de l'énergie en trop. Son collègue venait de le rejoindre en armant le canon au niveau de sa tête alors qu'elle continuait d'implorer une force du désespoir pour s'en tirer. Elle constata l'index de l'homme caresser la gâchette avant qu'une simple détonation ne retentisse. Le noir total. Et la peur au ventre. C'était les derniers instants de sa vie en proie au sang et aux larmes. La lumière revenait jusqu'à son cerveau. Elle était éblouie par le soleil qui contrastait avec la couleur de Ray qui continuait de la maintenir en tournant la tête, armé d'une main ferme en direction des débris. Elle tourna son regard en direction de l'arme pointée. Au bout se trouvait une femme qui y répondait par la même gestuelle en leur direction.
Laissez la partir. - Shinobu, Shinobu... Shinobu... - J'ai choisi Ethan. Pas elle. - Allons... Elle fait partie d'Ethan. - Elle n'en est pas moins une fillette. - Non, non, non... Elle devrait pas être en vie. - Pourquoi ça?
Il ne se redressait pas, se contentant de braquer la brunette d'une arme tenue fermement au même titre que Cal. Il soupirait alors que celle qu'il appelait Shinobu était tremblante, encore discernable par de nombreuses marques sur le visage et les bras. Elle avait reçu un nombre considérable de coups qui n'étaient pas retenus et ça se voyait. Il rouvrait ses yeux clairs en direction de la femme avant de reprendre.
Nous avions décidé de rayer sa mère des dangers potentiels, mais maintenant qu'elle vient de l'apprendre, elle l'est devenue.
Cal venait de s'arrêter de se débattre. Ses yeux s'ouvraient un peu plus dans un mélange de surprise et de haine naissante. Elle se contentait de fixer celui qui se trouvait sur elle sans ajouter un mot, malgré les larmes qui s'écoulaient le long de ses joues. Il se redressait alors, lourdement. Son âge et son expérience débordaient de son corps. Il était dangereux sur tous les points et ça pouvait se sentir sur des kilomètres à la ronde. Puis il annonça son dernier argument.
La gamine fait partie de la famille Lyons. Celle qui actuellement est la plus puissante de tout Londres. Si vous faites le lien, peut être que tu comprendra pourquoi Jason court à sa perte. Car le papa de la petite et le papa de Kaya sont en bons termes, surtout quand Kaya a annoncé à Caldwell qu'elle risquait de mourir après avoir discuté avec Hawks.
- Kaulins:
Ils se retrouvaient dans un triangle simple. Personne n'osait faire le premier geste par peur d'un mauvais choix. Le tapis était sur la table et les cartes étaient jouées. Le premier qui agirait s'en sortirait surement vainqueur. Dans leur tête à tête morbide, où l'odeur du sang et de la poudre se mêlait, il n'y avait plus un son, ni même celui du vent. La chaleur imprégnait l'endroit, accentué par le reflet du soleil sur les flaques écarlates. Tia restait droite face à Ray qui avait lâché la petite. Le collègue de l'afro s'était effondré après une détonation en direction de sa boite crânienne.
Dans moins de dix minutes, le Sheriff sera là. - Et alors! Dix minutes c'est suffisant pour effacer les preuves. - Pas si je tire la première.
Néanmoins, à plus de trois cent kilomètres de sa juridiction, elle ne pourrait pas faire grand chose. Elle mettait en danger sa vie et sa carrière pour celui qu'elle portait en son cœur et ça n'irait certainement pas en s'arrangeant. L'impasse était immense et il n'y avait aucun moyen de la contourner.
Ethan!
La gamine perdait toute vigilance en se ruant vers le corps qui soulevait les débris sur lui. Il se redressait lourdement, lentement et difficilement. Comme un cadavre qui venait de renaître. La tête en avant, il lâchait un relent de sang dans l'effort. Si il n'était pas mort, l'article lui devait d'en être proche. Ray et Tia tournaient eux aussi leur tête en sa direction. Puis après quelques secondes, il armait sa main droite en direction de Ray qui soupirait indéniablement face à celui qui ne voulait pas encore mourir. Tia perdait elle aussi le sens de ses réflexes face au spectacle. Elle se retrouvait démunie, coupable et certainement attristée de constater son erreur.
Une chance d'avoir gardé ce flingue...
De sa posture, Ray remarqua qu'il ne l'avait pas touché en plein cœur. Au contraire même, la balle s'était arrêté dans le chargeur vide d'une arme qui semblait être un .44 Magnum rangé dans un holster à sa poitrine. Si ça ne lui avait pas troué le muscle, ça lui avait certainement cassé une ou deux côtes à l'impact. Il avança d'un pas difficile. Cal de son innocence venait servir de béquille, oubliant les quelques minutes auparavant pour se focaliser sur l'aide qu'elle pouvait apporter. Dans la même seconde, Ray venait enfoncer son flingue entre sa ceinture et son treillis. Il observa Tia quelques instants qui semblait encore en introspection et soupira de nouveau. Au loin, dans ce désert perdu, on pouvait entendre les sirènes du département tonner. Il pencha sa tête de nouveau en direction d'Ethan avant de laisser apparaître un sourire sinistre sur son visage.
Tu sais que je ne m'arrête pas là Kaulins...
Ethan et Cal venaient s'arrêter de marcher pour constater l'afro aux dreads en face. Il soupira à l'instar de Ray avant d'affirmer d'un signe de tête en guise de réponse. Parler était difficile en crachant du sang. Et comme deux hommes dont le respect était spécial, ils se saluèrent d'un autre signe de tête avant que Ray ne décide de rejoindre un des SUV qui restait encore sur les lieux. Les deux jeunes femmes observaient la scène se dérouler sans rien ajouter de plus, comme si ce n'était qu'un jeu pour eux. Elles ne comprenaient pas les motivations de ces deux monstres à se tenir tête, et pourtant, dans ce questionnement, elles y voyaient un simple respect de leurs codes. Ils n'étaient pas des assassins ou de simples tueurs en série; ils avaient et ont une histoire. Pour elles, il était difficile de savoir quelle était celle de Ray, mais celles d'Ethan l'empêchaient encore une fois de rendre l'âme. Comme un monstre qui n'a pas le droit au repos, ou un martyr à la salvation. Il était condamné à ajouter d'autres blessures à son édifice déjà bien amoché. Le SUV continuait sa route en prenant soin d'éviter de croiser les bleus alors que ces derniers arrivaient sur les lieux. Dans leur empressement, ils s'arrêtaient en constatant le résultat de leur intervention. Les petits nouveaux se ruaient derrière les décombres avant d'en découvrir leur secret, s'écartant alors vingt mètres plus loin pour recracher leur déjeuner. Ils venaient de découvrir ce qu'était la définition de carnage et malgré ça, ils continueront d'appliquer leur devoir au service de la ville.
Depuis un 4x4, le sheriff du coin descendait lentement, replaçant son chapeau alors sur le haut de son crâne dégarni. Il s'approchait lentement de Tia, les mains dans les poches et d'une démarche nonchalante. Il la remercia simplement de les avoir prévenu avant de détourner son regard sur Ethan qui était encore soutenu par les épaules frêles de Cal.
Ma foi... Ça m'étonnait d'en voir un sans avoir l'autre après.
Ethan n'ajoutait rien à sa remarque, avançant lentement avec la petite sous son épaule. Ils passèrent à côté du Sheriff sans ajouter un mot alors que les cadets s'activaient dans tous les sens pour baliser la zone et faire leur rapport, ils ne connaissaient rien de tout ça, et venaient désormais braquer Ethan de leur tasers et armes de service.
Vous me faites quoi là... - Ne bougez plus! - J'avais bien deviné...
Il se retournait alors en observant un des cadets qui le pointait de son arme. Il ne tremblait pas, un vrai petit soldat aux grandes illusions. Il avait de l'avenir devait-il certainement penser.
Vous êtes témoin et suspect dans cette affaire! - Et alors... - Et alors quoi... Nous devons vou-...
Il se fit interrompre par son supérieur d'un ordre simple, encore une fois, Ethan s'en sortait comme si la conséquence de ses actes était remise à plus tard. Comme si tout lui tomberai sur le coin de la gueule lorsqu'il sera temps.
Laissez-le. - Mais chef-... - L'assistant-chef du LAPD ne serait pas un criminel hein...
Il avançait de nouveau sans rétorquer. Focalisé sur la douleur et le silence pour ne pas faire d'efforts inutiles. Il souriait néanmoins face à cette remarque. Et alors qu'ils rejoignaient l'un des SUV restant sur place, Tia restait là, sans rien faire, ni dire quoi que ce soit. Elle réalisait qui était réellement son mentor, celui dont elle avait échangé la vie avec son coup de cœur. Elle réalisait alors qu'elle n'avait aucune chance de revenir en arrière. Aucune de renouer des liens face à quelqu'un qui n'en a jamais eu.
C'est un monstre... - Pardon ma p'tite? - C'est un monstre... - Kaulins hein... Il n'a jamais eu d'humanité à ce qu'il parait...
Et ils laissaient ce monstre en question repartir sans rien faire, s'occupant de leurs propres affaires sous un soleil de plomb dans un désert écarlate.
C H A P I T R E 14 "L'humain est bon par nature."
- Innocence:
Dans cette pièce blanche ne s'y trouvait pas d'encombrement. Une télévision cathodique datant des années quatre-vingt dix, une armoire dans laquelle s'y trouvait des affaires de la veille. Un lit simple qui était accompagné d'une table de nuit en bois laqué et sur laquelle on y trouvait une lampe de chevet. La pièce d'à côté ne se séparait que d'une porte et son composait d'une simple douche en face de toilettes et d'un lavabo. C'est dans ce calme bercé par une mélodie que s'y trouvait Cal. Comme une comptine chantée aux enfants pour les border, les plongeant dans de jolis rêves. Assise sur cette chaise des plus conventionnelles, elle répondait avec cette mélodie dans la tête aux officiers de police. Un peu ailleurs et pas franchement présente, elle ne détournait pas du regard face aux nombreuses blessures qui parcouraient le corps de l'homme qu'elle accompagnait. Derrière elle, cette femme brune au regard froid, bras croisés, se noyant dans les réponses de la fillette. Elle ne comprenait pas son implication dans cette histoire. Et alors que les bleus parcouraient son corps, elle salua les officiers qui repartaient aussi vide de réponses que lors de leur arrivée. Le silence s'installa de nouveau. Comme un hommage à ceux qui n'arrivaient pas à mourir.
Il s'était effondré avant d'avoir rejoint le 4x4, une anémie qu'avait répondu l'urgentiste avant de surenchérir par le fait qu'il pouvait ouvrir les yeux dans dix minutes, ou ne plus les ouvrir du tout, ça dépendait que de lui. Quand l'homme est désespéré pour sa survie, il devient la bête qui l'effraie. C'était un contraste à s'en rendre aveugle. Elle qui souhaitait vivre comme n'importe qui de son âge et lui qui souhaitait mourir le plus tôt possible. Un soupir rompit le silence dans la pièce, alors que Cal se retourna vers la brunette aux yeux verts qui prit appui sur le mur d'en face. Elles ne se connaissaient pas, et l'innocence de la petite donnait la nausée à Tia qui se contentait de l'observer. La petite avait du courage, elle engagea la conversation froidement.
Vous êtes celle qui a vendu la vie d'Ethan pour son chéri?
Cela ressemblait à une question qui mélangeait une accusation cinglante. Elle savait qu'elle n'avait plus rien à faire ici et pourtant, indéniablement, elle se sentait comme étant la seule à encore pouvoir veiller sur lui. Un mensonge profond qui remontait lentement dans le creux de son esprit, accentuant sa nausée. La japonaise ne la contredisait pas, affirmant même honteusement de la tête en direction de celle qui l'accusait.
Qu'est-ce que vous foutez encore ici alors... - Je... Je veille sur lui... - Ha. Depuis quand? - On va dire que j'essaie d'éviter que ça dég-... - Je m'en fou. - Hein? - J'en ai rien à faire. Vous devriez pas être là. Mais avec celui que vous avez réellement protégé. Ca sert à quoi d'avoir un petit copain si c'est pour trainer avec celui que vous avez vendu? - Je ne l'ai pas vendu. - Dans les faits c'est ce qui est! Je m'en fou de savoir qui est coupable ou non! - Ecoute petite... - Cal! - Ecoute Cal... Je connais Ethan, je savais qu'il allait s'en sortir. Je le connais comme si c'était-... - C'est personne pour vous!
Tia s'arrêta alors en constatant la petite fille aux cheveux d'or dont une larme venait épouser les formes de sa joue dans sa descente. Elle s'était redressée de sa chaise, se tenant droite comme un enfant qui protègerai un parent, le courage compris dans l'acte. Malgré tous les arguments qu'elle aurait pu préparer, elle n'avait pas envisagé un lien comme celui-ci. Et si Ethan était éveillé, il aurait été possible qu'il soit lui aussi bouche bée à sa réaction. Néanmoins ce spectacle ne concernait que Tia qui n'ajouta aucun argument à cela.
Maintenant tirez-vous... Vous n'avez rien à faire ici.
Elle n'ajoutait rien, soupirant face à une vérité innocente et logique. Actionnant alors la poignée, elle disparaissait derrière la porte de la chambre d'hôpital s'accoudant alors sur la rambarde d'en face, donnant sur les deux étages qui la séparait du sol. Ses mains serraient fortement la barre alors que sa tête se baissait lentement sous ses cheveux qui surplombaient son visage. Sa mâchoire se serrait et elle laissait aller le surplus d'émotion traversée ces dernières vingt-quatre heures.
Cal venait se rassoir lentement sur sa chaise, s'approchant un peu plus du blessé endormi. Sa main gauche venait caresser son front marqué par l'expérience, diverses cicatrices se dessinaient dessus. Elle soupira de nouveau, s'allongeant alors de moitié en assise sur les draps.
Un simple numéro venait d'être composé sur le smartphone. Entre deux inspirations saccadées, elle le portait à l'oreille, tombant sur ce même répondeur à la voix masculine. Elle devait de nouveau laisser un message, et Tia ne se sentait pas bien. Pour une fois elle aurait aimé qu'on lui réponde, qu'on lui demande ce qui n'allait pas et ce qui était possible de faire pour aider. Mais remonter le temps n'était pas possible.
Jason... C'est Tia... J'ai... J'ai merdé sur toute la ligne. Je sais plus trop ce que je dois faire en fait. Ethan m'en veut certainement à mort, tu fais justice de ton côté, et j'viens de mettre ma carrière en jeu pour des conneries... Je sais pas quoi faire... Je sais plus quoi faire là... - Excusez moi madame... - Hmm? - La chambre de monsieur Kaulins est libre?
Elle se fit interrompre par une infirmière tout ce qu'il y a de plus banale pour savoir si la chambre était libre, elle raccrochait alors en s'arrêtant sur son monologue habituel. Elle confirmait d'un signe de tête que les soins pouvaient être faits sans problèmes. Avec le cas de Hawks, la sécurité avait été renforcée depuis, lorsqu'un agent du LAPD devait être hospitalisé.
Ouais... Sa fille est avec lui mais y'a pas de soucis. - Ha c'est sa fille! Mais je... Je croyais que...
Elle pris une voix discrète, un simple chuchotement pour parler d'un tabou concernant l'homme au plus grand nombre de visites dans cet hôpital. Une commère sans nuls doutes qui venait satisfaire sa soif de curiosités.
Je croyais que sa fille était morte.
Et c'est le cas, pensa-t-elle. C'était pour faciliter les choses une nouvelle fois, et elle s'était trompée. A part remuer le couteau dans la plaie un peu plus par maladresse, elle préférait désormais se taire. Coupant net la conversation, elle salua l'infirmière d'un signe de tête avant de regagner les escaliers vers la sortie. En voulant bien faire, elle se retrouvait désormais face à tant de mal causé que le remord n'en était que plus grand. Ses mains se plongeaient dans le fond de ses poches, à la recherche du bonheur sans réelle satisfaction. Elle n'y trouvait pas de confort.
L'humain est bon de nature, Tia en faisait parti. Mais aucun de ses derniers actes n'avaient apporté du bon dans sa vie, ou dans celle de ses proches. Elle se voulait coupable dans son innocence. Et face à celle de Cal, elle en avait perdu les arguments.
- Monstre endormi:
Vous le connaissiez depuis longtemps Ethan?
Elle allumait sa cigarette fière d'entretenir un cancer dont elle n'avait pas conscience. Elle rouvrait les yeux lentement en soupirant le trop plein de fumée par un nez fin comme à l'habitude de celles qui côtoient ce bon vieux Kaulins. Elle n'avait pas l'air bien intéressant alors que personne dans cet hôpital ou dans cette ville ne connaissait son nom. Bien plus âgée que celle aux traits asiatiques, ou même qu'Ethan et certainement plus dangereuse lorsqu'elle s'énervait, mais elle n'en était pas moins venue d'elle même. Elle s'avançait lentement en assise sur le rebord du toit de l'hôpital avant de poser ses mains en arrière, braquant son regard sur Cal qui attendait comme une réponse. Elle soupira un peu plus, et après une nouvelle latte sur sa gitane, elle répondit.
J'ai eu l'occasion de travailler avec lui par le passé... Il était encore qu'un gamin à cette époque.
Aux yeux de Cal, ça semblait être une vieille amourette de l'enfance qu'il avait probablement oublié comme beaucoup de choses qui ne lui revienne que quand il le prend en pleine face. Néanmoins, de toutes les personnes qu'elle avait pu croisé, connaissant Ethan, c'était celle qui semblait le plus en savoir sans pour autant avancer un avis précoce. Elle laissait bercer ses cheveux d'argent au même titres que ceux de Cal sur un léger vent printanier.
Quel genre de travail il faisait avant d'être dans la police?
Elle s'arrêtait quelques instants, hésitant certainement sur la réponse qu'elle devait donner aux yeux d'une gamine blondinette et curieuse comme pas deux. Elle soupira, et ces mimiques ressemblaient étrangement à celles d'Ethan, tout comme son allure. Et alors qu'elle finissait en jetant son mégot dans les buissons six étages plus bas, elle se redressait lentement en se tournant vers la fillette. Elle releva les yeux en constatant que Tia se trouvait aussi ici, en retrait comme coupable mais concernée.
Ethan... Ethan était un peu discret, pas franchement vif comme gamin... Il avait quinze ans d'écart avec son grand frère, Todd. Et il vivait dans son ombre... C'était un peu "l'échec de la famille"...
Elle s'arrêtait comme emprise d'une nostalgie. Elle ménageait ses mots et ça se voyait clairement dans sa gestuelle. Elle semblait rigide et braquée par ses justifications. Son image alité lui revenait de nouveau, l'état dans lequel il se trouvait aujourd'hui était difficile à supporter pour toutes mais il semblait qu'elle en était affectée bien plus que prévu. Et alors qu'elle plongeait ses mains dans les poches de sa veste longue, elle continua.
L'Angleterre est dure avec les enfants difficiles. Ils sont égarés facilement, ils trouvent des pairs qui finissent mal. Et dans le lot se trouvait Elizabeth, la petite amie de Todd.
Elles se noyaient toutes deux dans les paroles de la vieille femme qui n'avait pas donné de nom ou d'identité. Elle était juste là pour raconter la vie de celui qui n'en disait jamais rien. C'était bien une chose que Tia connaissait de lui. Qu'il ne dise jamais rien sur son passé. Il faut un événement spécial comme la mort de Kaya pour qu'il s'ouvre enfin un minimum. Et pourtant, elle semblait ne pas connaître cette partie là, bien qu'il s'en soit déjà moqué dans une ironie fière. Comme si il se félicitait lui-même d'être là où il se trouvait aujourd'hui.
Il a fini par être enrôlé en "homme à tout faire" par le père d'Elizabeth. Après avoir été signalé comme disparu aux yeux de Londres et de l'Angleterre, quand bien même Interpol à été mobilisé suite aux diverses disparitions d'enfants et meurtres, ils ne l'ont pas retrouvé.
Tia se retrouvait stupéfaite par la déclaration de la femme sans nom, les yeux ouverts sans pouvoir dire un seul mot. Elle remarqua que Cal ne comprenait pas l'intégralité de la biographie sur certains points, elle continuait, captivée, d'apprendre à connaître cet homme. L'ancienne hésitait alors à continuer plus loin, remarquant la surprise qui se lisait à des kilomètres sur le visage de Tia. Elle lui demandait de continuer, de ne pas s'arrêter, peu importe le résultat.
Il à passé deux ans dans une cave du manoir familial à s'entrainer, et à profiter du soleil dans un jardin grillagé une fois par semaine... Après ça, il serait mobilisé pour rejoindre Elizabeth à Los Angeles.
C'était une vantardise de dire que Tia connaissait Ethan. Une tonne de questions se bousculaient dans sa tête. Comment après ça avait-il pu rejoindre le LAPD, quel est le lien avec Kaya, pourquoi l'afro aux dreads voulait sa peau, pourquoi se retrouver à la charge d'une gamine, et pourquoi n'en a-t-il pas parlé avant?
Uune question à la fois ma grande... - Alors... Qui est réellement Ethan? - Un esprit de vengeance sur les Irlandais... - Et cette histoire avec Ray! - Il s'est couvert lorsqu'ils sont tombés, il les a lâché et s'est reconverti dans la police... Ca n'a pas plu. - Il est allé dedans pour les aider?! - Oui. - Pourquoi il y est toujours alors? - Il a appris a vivre et à aimer... Jusqu'à ce qu'on le lui retire. - POURQUOI?! - Elizabeth, ou Mia... - Le rapport avec Ethan?! - C'était le meilleur pour détruire toute menace... - Et maintenant alors?! - Jason est... Ou sera... Indéniablement la dernière victime de l'esprit Per Sempre. - Mais y'a plus Effy ou Mia... Ou encore Kaya! Comment s'est possible?! - Ethan est toujours en vie... Tant qu'il sera proche avec quelqu'un ils le lui retireront... Jusqu'à ce qu'il revienne... Et qu'il accepte son sort...
C'est alors qu'elles s'arrêtaient de s'envoyer la balle chacune leur tour. Tia se rappelait doucement les propos qu'elle avait tenu contre lui la veille et réalisait à quel point c'était vrai. Elle comprenait aujourd'hui qu'il avait été le premier à être le sujet de cette entreprise morbide et que lorsqu'il eu le temps d'apprendre de nouveau à vivre, on le lui retirait ses objectif lentement, comme l'on arracherait les pattes d'une araignée jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus fuir. Dans le peu de courage qui lui restait, elle venait poser sa dernière question.
Comment vous savez tout ça... - J'ai... J'ai été celle qui l'a formé...
Elle venait de perdre ses nerfs avant de décroiser les bras, claquant la porte du toit derrière elle sans ajouter un mot. Elle laissait Cal prendre le relais qui se contentait juste de regarder la femme comme un enfant ébloui par le soleil qui se trouvait derrière elle. Elles ne disaient rien, laissant le silence faire son deuil. Puis de nouveau une interruption digne d'une coïncidence trop bien organisée.
Lindsey, on y va. - J'arrive Mark.
Un homme âgé, bien habillé avec ses cheveux bien coiffés sur un visage carré et harmonieux dont l'habit était exorbitant. La femme embrassait son enfant qui vivait encore dans l'ignorance, le laissant aux mains d'un monstre endormi qui ne se réveillerait peut être jamais. Mais elle avait confiance. Elle repartait lentement en rejoignant le père dont le deuil fut long. Laissant le dernier témoin en proie à son destin.
- Rêve blanc:
Alors c'est comme ça que tu as décidé de finir ta vie?
Dans cet espace blanc ne se trouvait aucun détail concret. Du blanc à perte de vue et des formes au teint grisâtre qui ne laissait rien distinguer. Des âmes dont s'échappaient des complaintes où il était impossible d'en comprendre les mots. Il y avait des réminiscences d'images plus claires, comme de vagues souvenirs qui s'échappaient d'un rêve où j'étais le seul à me trouver. Elle se tenait en face de moi, impure à la perfection. Avançant lentement, elle se démarquait de ce trop plein de lumière qui m'explosait la rétine sans que je puisse cligner des yeux. Je ne bougeais pas, laissant mes souvenirs faire leur travail. Mon cerveau remettait en ordre les derniers événements, comme si il n'avait pas encore digéré les événements la semaine passée. Je la connaissait certainement, mais il était encore dur pour moi de faire le tri. L'histoire dans ma tête n'était qu'un bordel monstre dans lequel on aurait laissé chaque événement manuscrit, et où l'on aurait tout balancé par terre, en disant à mon cerveau de refaire le tri. Ce n'était pas facile et ma vie défilait doucement devant moi à chaque paragraphe que je déchiffrais.
Après que tu te soit donné tant de mal, tu comptes tout abandonner?
Et dans sa phrase elle en avait profité pour faire une synthèse courte sur ma vie qu'elle tenait en main. L'agitant doucement comme une fierté que j'aurai d'être heureux de travailler rapidement. Sur ce point elle me ressemblait beaucoup. Mais je n'arrivais plus à remettre un nom sur ce visage aux cheveux bruns. Son sourire était parfait, espiègle et heureux sous un regard plus froid que mon corps. Je ne pouvais pas bouger alors qu'elle continuait ses cent pas autour de moi, agitant la synthèse de ma vie de sa main droite. Elle sentait les fleurs d'été et caressait mon visage de l'autre main d'une douceur incomparable. Je me sentais bien, je pouvais me laisser aller dans sa berceuse, rien ne pouvait me faire peur à cet instant précis.
Tu comptes l'abandonner alors que tu avais fait une promesse?
Je tournais mon visage lentement sans qu'il me soit possible de bouger quoi que ce soit d'autre. Au loin de cet espace sans fin, je distinguais une fillette aux cheveux courts et blonds. Elle se tenait debout à côté de quelqu'un dont je n'arrivais pas à voir le visage. Accoudée sur ce lit qui ressemblait clairement à ceux que j'avais l'habitude de voir aux hôpitaux. Elle ne semblait pas pleurer, bien que son inquiétude se soit ressentie dans tout mon corps. Elle lui racontait une histoire idiote où elle seule rigolait à cette dernière, comme une fille qui n'avait pas d'autre ami à qui raconter ses blagues. Elle espérait qu'on rigole avec elle, mais elle se laissait observer sous le regard d'une autre femme un peu plus loin.
Tu comptes les laisser à leur mort comme tu m'as laissé à la mienne?
Puis je me concentrais de nouveau sur le visage de celle qui me parlait, penchée vers moi. Ses yeux verts perçaient le fond de ma rétine sans que je puisse ajouter quoi que ce soit. Elle me tendait de sa main droite le nombre conséquent de papiers qu'elle avait ramassé avant que je ne les consultes. Mon cerveau avait fait un joli travail de récupération. Et au fond de moi je ressentais comme une vague nécessité à devoir me rappeler d'elles et de ma vie. Mais j'en avais marre de me battre, je me sentais bien ici.
J'en ai marre de tout ça...
Je l'avais dit abattu, comme si tout le fardeau du monde pesait sur mes épaules alors que j'assumais ne pas vouloir retomber. J'avais perdu bien trop de choses à contrario de ce que j'avais réussi à construire. Ma vie toute entière ne se résumait qu'à courir et tirer plus vite qu'on aurait pu me tirer dessus. Et je m'affalais sur ce blanc immaculé comme vidé de toute envie de pouvoir me relever. Et alors que je constatais mes pieds nu, elle s'accroupissait à côté de moi, s’asseyant comme si rien n'était important ici bas. Le blanc laissait place au vert clair, dessinant alors l'amont d'une colline sous un chêne intact. Au loin on distinguait une ville, si loin que je n'arrivais pas à estimer une distance. Nous étions bien sous cet arbre, allongés. Elle se calait doucement sur mon torse, je pouvais sentir son odeur se répandre, sa bienveillance m'enlacer et son amour me libérer lentement.
Tu as assez donné Ethan...
C'est vrai. Je n'avais qu'à relâcher la pression pour de bon et rester ici à jamais. Je ne savais même plus pour quoi je me battais ou pour qui je le faisait. Et alors que je croyais avoir tout oublié d'elle, je me retrouvais à lui caresser les cheveux d'une main douce. D'une main qui n'était pas marqué par la vie ou par la mort. J'étais calme, serein. J’appréciais vraiment ce chêne, et l'odeur de celle qui me tenait compagnie. Je n'avais qu'à rester là, et penser un peu plus égoïstement.
Tu penses que j'arriverai à être heureux un jour... - Malgré tout ce que tu as fait Ethan... Je n'arrêterai pas de t'aimer malgré ce que tu as fait... - Tu ne réponds pas à ma question... - Dois tu réellement avoir besoin d'une raison pour être heureux? - J'en sais rien... - Elle nous regarde toujours hein... - Ouais... - Ton dernier boulot? - Je crois bien...
Elle n'ajoutait rien, laissant le silence régner un peu plus sous ce chêne. Elle souriait d'être ici, et je n'arrivais pas à faire de même alors que plus bas, cette même gamine ne détachait pas son regard de nous deux. Elle m'attendait patiemment comme si je devais de nouveau partir avec elle. Je sentais les lèvres de celle à ma gauche se déposer sur ma joue, doucement, comme un baiser que l'on donne en attendant les retrouvailles. Plus tendre que n'importe quoi dans le monde, et plus doux que tout ce qui pouvait importer ici bas. Elle me caressait une mèche du haut de ma tête avant de conclure sous ce rêve blanc.
Je t'attendrai Ethan... - Je te rejoindrai. - Ne te presse pas.
Dans cette pièce blanche où rien n'était de trop, un homme venait lentement de rouvrir les yeux. Sous cette lumière qui l'aveuglait, une fillette ne se faisait pas attendre pour lui sauter à la gorge en criant de joie. Il ne grimaçait pas, se laissant secouer alors qu'il venait juste de sortir d'un long rêve. Il se remettait lentement de ce dernier, ne quittant pas celle qui les observait plus loin, impassible, les bras croisés. Et alors qu'il pensait que rien n'avait changé, elle lui sourit doucement, elle aussi heureuse de savoir que leur cauchemar venait de prendre fin.
C H A P I T R E F I N A L "Fin des causes"
- Quantico:
Vous n'avez plus le droit de vous malmener comme vous le faites... Vous comprenez?
Je clignais des yeux sans réellement répondre à sa question. J'étais en globalité d'accord avec ce que pouvait me dire la petite pointe de Quantico même si je ne donnais jamais une réponse solennelle. Elle semblait contente que j'aille dans son sens avec sa petite cravate qui dépassait d'un col trop bien remonté. On m'avait montré les séquelles que me laissaient mes côtes fêlées et l'anémie qui avait suivit. Je ne pouvais clairement plus serrer ma main gauche ni même sentir en grande partie l'intégralité de mon bras. Je pouvais néanmoins le bouger, mais malgré ça, mes mouvements étaient discontinus. Comme des tendons trop bien resserrés ou alors sur le point de lâcher.
Vous m'en faites voir de toutes les couleurs avec Hawks... Comment vous pouvez vous retrouver dans des situations pareilles?
Et je ne savais plus quand exactement ça avait commencé. Depuis que j'avais perdu Noa ou alors depuis que j'avais sauvé Kaya la première fois, mais encore, il était possible que ce soit depuis ma naissance. Au mauvais endroit au mauvais moment. C'était un peu ma marque de fabrique qui ne se faisait pas prier pour sévir. Et dans ces reproches qui démontraient un certain remerciement de la faire sortir de son bureau, je n'y prêtais pas attention. Je restais focalisé sur Cal et sa frange de travers. J'aurai aimé le lui dire de la remettre en place, mais je n'arrivais pas à articuler, encore engourdi par un trop plein de morphine injectée. Apparemment la douleur serait insupportable tant et si bien que quelques morceaux de mes côtes se baladaient dans mon organisme sans causer de séquelles hormis la douleur.
Kaulins... Vous devriez arrêter vos histoires de vendettas. Ca ne rime à rien... - Ethan n'y est pour rien!
Cal avait prit la parole pour me défendre face à une femme qui sous ce doux timbre de voix était quelqu'un de relativement digne de confiance. Elle s'était jetée de son mur sur lequel elle était adossée pour le lui dire une nouvelle fois en face, et heureusement que la première fois elle l'avait déjà compris.
Je sais ce qu'il s'est passé avec l'histoire Toro petite... - Cal! - Oui Cal. Je sais ce qu'il s'est passé je ne l'accuse pas. - Alors qu'est-ce que vous faites ici si c'est pour l'engueuler? - Je te demande pardon? - Bah vous l'engueulez non? - Ah... Haha...
Elle venait rire sans aucun scrupules, tout en se moquant d'elle qui pensait remettre une nouvelle fois une adulte à sa place. La déception se lisait sur son visage comme l'on comprend un livre ouvert aux premiers paragraphes. Elle avait clairement une idée derrière la tête et elle ne se faisait pas prier pour que l'on lui demande. Mais je n'arrivais pas à lancer un seul mot hors de ma trachée et Cal était encore trop idiote dans sa jeunesse pour comprendre le sens caché. La bureaucrate tournait de nouveau son regard sur moi, avant de reprendre.
Vous allez cligner des yeux une fois pour me dire oui, deux fois pour me dire non. Compris?
Je clignais une seule fois mes yeux en remarquant qu'elle avait approché son visage du miens drastiquement entre cette demie-seconde qui venait de me bloquer ma vision. C'était une belle femme, si ses épaules étaient un peu moins carrés et que sa féminité se voyait un peu plus. On devinait clairement qu'elle devait passer la plupart de son temps, sa langue entre des lèvres, surmontée deux drapeaux multicolores.
Avez-vous un lien avec Hawks dans cette histoire... - ... - Non. Très bien. Une autre question donc... Ma dernière: avez-vous des réponses pour Hawks dans cette même histoire?
Je restais sur la défensive en fermant juste les yeux sans les rouvrir. Elle pouvait entendre un soupir s'échapper de ma cloison nasale. C'était assez anodin de comprendre que Jason avait enclenché le monde berzerk pour se farcir la moitié des bas-fonds de la ville juste pour le plaisir. Elle était forte et connaissait à peu près ma vie en cinq lignes. Je la sentais perdre patience avant qu'elle ne se redresse du lit sur lequel je me trouvais. J'avais réussi à comprendre son petit jeu avec facilité. Cligner une fois aurait affirmé ma situation. Cligner deux fois ou plus, lui aurait permis de passer à une autre question car j'aurais certainement un peu plus insisté. Alors que simplement fermer les yeux et ne pas les rouvrir lui incitait clairement à faire de même avec ses questions à la con. Elle reprenait la direction de la sortie avant de conclure sur une phrase tranchante.
Vous devriez prendre des vacances Ethan.
Quand une bureaucrate vous annonce ça l'air de rien, avec son petit insigne du FBI sur la poitrine, ça ne laisse pas indifférent. J'en avais encore pour une semaine dans ce lit de mort, et il me serais enfin possible de partir d'ici et de finir ce babysitting avant de disparaître avec cette vie qui valait des tonnes de poudre et des marres de sang.
- Libre:
Ah mais j'oubliais... Un Kaulins ne prend pas de vacances... Il disparaît hein?
J'aurai pu lui faire manger ses dents, lui rappeler que si elle était de sortie en ce moment c'était grâce à nous et pas seulement pour ses compétences à empiéter sur le terrain des bleus. Mais je n'avais rien fait, je n'avais rien dit et seulement affirmé ses propos. C'était devenu une marque représentative de ma vie. Je ne restais pas en dehors des caméras pour rien. Ma vie me valait de devoir rester dans l'ombre de ceux qui me cherchaient, de ceux qui pensaient me trouver facilement. Je n'étais clairement pas celui qui devait rester devant les halos des projecteurs. Je n'y causerai plus de mal que de bien. Et tandis que je repensais à la dernière phrase de cette charmante femme du FBI, Cal venait déposer une assiette devant moi. A seize ans, elle savait quand même se débrouiller. Pour une gamine qui savait comment planquer des pains de C4 sous un bar, elle connaissait aussi les rudiments de la bonne cuisine.
Tiens, c'est pas grand chose mais ça devrait être assez bon pour toi. - Merci...
Elle s'asseyait en face de moi avec toute la bonté du monde sur son sourire. Il y aurait pu avoir du cyanure ou un quelconque produit mortel dedans, je l'aurai certainement avalé juste pour le minois d'une fillette qui s'épanouissait autrement qu'en tuant et détruisant. Là où l'on était logés, ce n'était pas le top confort. Ce n'était même pas "mon appartement" ou encore "ma chambre" mais c'était suffisant pour patienter de trouver un nouvel endroit où je pourrais convenablement me terrer sur un canapé qui me servirait de lit. La ruelle était à l'abandon et pas très loin de Pershing Square. C'était un lieu où les camés et les bons addicts se retrouvaient pour un trait dans les narines histoire de faire passer la journée plus vite. Tous les flics connaissaient l'endroit, mais aucun n'y vivait simplement parce que c'était trop dangereux pour eux. D'une seule main, j'entamais la nourriture préparée par la fillette, appréciant l'instant qui me semblait être nouveau. Partager mon repas avec une fille qui aurait très bien pu être la mienne, sans réellement penser à autre chose que de rester confortablement installé et ne rien faire de ses journées. Avoir une "vie normale" pour quelqu'un comme moi était purement inconcevable. Tôt ou tard je me ramasserai une nouvelle fois jusqu'à ce que quelqu'un décide de mourir de nouveau pour ma petite existence.
C'est pas bon? - Ah... Si, si. C'est bien. - Ah. Tant mieux...
Puis le blanc s'installait de nouveau dans le salon. Je n'étais pas doué pour engager une conversation. Les seules fois où j'avais réussi à sortir plus de dix mots consécutifs, c'était lorsque j'interrogeais les passants, les criminels, ou encore les victimes. Puis je constatais Cal qui mangeait sans retenue, sans garde, vulnérable à n'importe qui et n'importe quoi. Je me soulageais en me disant qu'elle ne serait bientôt plus qu'un mauvais souvenir. Mais dans ce cas précis "bientôt" était tellement vague que je pouvais mourir de vieillesse avant qu'on ne retrouve son père. C'était quelque chose à laquelle il fallait s'attendre. Surtout pour que Vince me demande de le retrouver alors qu'il aurait bien pu le faire lui-même. Si il ne l'avait pas identifié, c'était certainement parce que même lui n'en avait pas les moyens.
Tu sais Cal... - Hmm? - Ca risque d'être très long avant qu'on ne retrouve ton père. - Je me doute. - Et comme tu es encore en âge pour apprendre ou grandir comme n'importe qui... Je me suis dit que ce serait pas mal pour toi de "vivre normalement". - Hein? - Bah tu sais. Aller à l'école, avoir des amis, grandir et découvrir la vie. - Hmm. - Non? - Je sais pas... Je connais pas tout ça. J'ai toujours eue des cours particuliers.
A quoi je jouais? Je n'en sais rien, ces mots étaient sortis tout seul de ma bouche, convaincus de faire de l'effet et l'idée en elle-même n'était pas mauvaise. Dans les choix de sa vie, ils se séparaient en deux: devenir comme n'importe qui, ou emprunter un chemin dangereux. Est-ce que j'aurais fait la même pour Théa, avoir l'envie d'être ce père qui prenait soin de son enfant? Je n'en sais rien, et je ne sais pas trop si c'était mes séquelles qui s'amusaient avec mes pensées ou si j'étais encore dans cette optique de lui faire retrouver son père autrement. Quand on devient quelqu'un d'influençable par ses études, les informations viennent tout aussi simplement que si vous dégommiez la majeure partie de l'état en quête d'une seule réponse.
Pourquoi pas! Ca pourrait être marrant!
C'était sa réponse, et elle me regardait clairement dans les yeux. J'aurai pu sentir qu'elle me remerciait de l'aider dans sa vie, si je n'avais détourné le regard vers l'extérieur. Quantico nous observait toujours d'en bas, heureuse de savoir que les choses se déroulaient dans son sens. Elle avait clairement des idées dans sa boite crânienne et je ne voulais pas les connaître. Je soupirais de nouveau, avalant ce morceau de viande saignant. Je m'engageais dans un terrain que je ne connaissais pas. En sortant de ma zone de confort, je constatais clairement que ce siècle était en bois.
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