Jesse Navarez

Mon père est... nous a quitté, comme beaucoup d'autres, dans l'attentat du 19 avril 1995 sur le bâtiment fédéral ou il travaillait...



... comme beaucoup d'autres. Aujourd'hui, ce n'est plus qu'un nom sur un mémorial : Felipe Navarez.

Après ça, ma mère devait bien nous faire vivre. On a déménagé dans un quartier merdique, et elle a dû prendre un boulot tout aussi merdique dans un 7/11.



Mais bon... on vivait.  J'demandais rien à personne moi, j'étais qu'un gosse, et j'me faisait éduquer. J'avais pas grand chose d'autres à espérer.

Danny tapota l'épaule droite de son petit frère de 16 ans, qui conduisait le quad ou ils se trouvaient tout les deux. Il lui fit ensuite un signe du pouce, lui indiquant de tourner sur la 28ème rue, et un autre, lui faisant comprendre qu'il devait accélérer. Le jeune s’exécuta et s'engouffra dans la rue, direction Ouest, jusqu'à s'arrêter devant une maison, dont la porte d'entrée s'ouvrait. "J'te l'avais dit, ils sont réglés comme une montre suisse, tout les jours à dix heures moins l'quart..." lança Danny, avant de quitter le quad, et d'avancer d'un pas rapide vers la porte d'entrée, en engouffrant sa main droite dans une poche de sa veste.



Il braqua sans hésiter le canon de son Glock au visage de la femme, qui tenait les clefs de sa voiture en main, et, sans dire un mot, fît un geste de la main gauche, signifiant qu'il voulait ces clefs. La femme les lui donna, pendant que ses deux jeunes enfants sortaient de la maison. La plus vieille, âgée de presque 13 ans, se figea sur place, sans dire un mot. Le plus jeune, prît la main de sa mère pendant qu'il voyait les deux véhicules repartir en direction de l'est. "Ou il va le monsieur avec la voiture ?"

Tsss... ouais, c'est quand maman s'est faite tirer la caisse, quand j'avais à peine 8 ans, que je me suis rendu compte que j'étais pas si pressé que ça de grandir.

Je revenais des cours... en bus, pas comme avant... J'étais avec mon pote Tim, qui était nouveau dans ma classe, et qui vivait à peu près dans le même quartier que moi. Vu qu'c'était Jeudi, je me suis permis d'aller chez lui, pour jouer aux légos, regarder des dessins animés... faire des trucs de gamins insouciants quoi. Je vois une voiture, sous une bâche, garée devant une maison un peu délabrée. Une voiture qui a des formes qui me sont super familières. Je me dirige vers celle-ci, pendant que Tim me demande ce que je fait, qu'il faut pas aller ici, que le grand Danny c'est un fou dangereux... je l'écoute pas, et je soulève rapidement la bâche.



Je reconnais la plaque de la voiture de ma mère, et, plus loin dans le garage, je vois un quad... Grâce au fixe de chez Tim, on appelle le 911. Deux jeunes sortent au moment ou les sirènes commencent à se faire entendre. Putain, la tronche que ces batards tiraient au moment ou ils ont vus les flics qui avancaient vers leur pallier. Ils ont courus jusque dans leur jardin, et ont commencé à enjamber clotûres sur clotûres. Puis j'ai entendu des coups de feux, et la radio d'une des Crown Vic's dire "A29, suspects abattus entre Otella et la 29ème, demandons une unité mortuaire..." Je savais pas trop quoi éprouver, tristesse, joie ? Je restais la, à fixer la radio, puis la voiture de maman, sans dire un mot, à réfléchir...

Des voix de pré-adolecsents se font entendre depuis un local à poubelle, près d'une écôle, une trentaine de minutes après la fin des cours : "Hé, hé... HÉ ! Comment tu roules ça ?
- T'en fais pas Jesse, j'ai vu mon père en fumer plein.
- Eh, ouais, peut-être, mais tu l'as pas vu rouler apparament.
- Arrête de me saouler, et passe moi plutôt le briquet qu'on a choppé sur l'autre con."
Sans réfléchir, je sort le briquet que j'ai piqué au type de la classe voisine. Il m'avait insulté, gratuitement, faisant des suggestions sur la façon dont ma mère gagnait sa vie que je ne supportais pas. Il était quand même bien baraqué, alors, Tim a accepté de m'aider à lui donner une bonne leçon... On l'a frappé, racketté, et on a choppé un petit peu d'herbe sur lui. C'est comme ça que je me fais mon premier joint.



Au moment ou je tire ma toute première latte, après Tim, je réfléchi à ce qu'il s'est passé, y'a quatre ans, avec la voiture de maman. Je sais quoi penser maintenant... le bonheur des uns, fait le malheurs des autres. Et maintenant, je pense à autre chose en ce moment même : J'étais un putain de petit con à l'époque. J'étais pas pire que certains, mais pas mieux que beaucoup.

J'ai mon rythme de travail, de petit con. C'est : fumer quelques joints, jouer à la console, trainer dehors 24 heures sur 24, et réviser comme un dingue avant les contrôles que les profs annoncent. Ma moyenne démontre que c'est pas le meilleur rythme à prendre, mais j'm'en fous un peu. Je vaux comme toujours pas moins que certains, et pas plus que beaucoup. Ma famille ? Ouais, je l'aime, même si c'est pas forcément l'impression que je dégage dans les peu de moments qu'on passe ensemble. Letizia passe ses journées à faire de la mécanique, moi je passe les miennes à être un emmerdeur. Bagarres dans la cour, insultes vouées aux profs, tags dans les couloirs, etc. Je fais ce que je peux pour me sentir vivant à 14 ans, et ça plaît pas à tout le monde. Avec le recul, je me rend compte qu'à cette époque la je faisais souffrir ma mère, mais on en avait jamais le temps d'en parler : Elle était tout le temps en train de travailler, pour qu'on survive. Je la faisais souffrir, et le petit connard que j'étais ne s'en rendait même pas compte, putain... j'avais 14 ans, et j'en connaissais encore trop peu de la vie. Je me comportais n'importe comment, et, par chance, les merdes ne retombaient jamais sur moi... mais y'a une première fois à tout...