- Chapitre I-I:
Comme un méchant revers de la main droite, directement adressé avec l'insolence de la situation. Le soleil s'était caché de honte derrière la pluie. Les sourires sur les visages dessinés se transformaient lentement en stupéfaction incomprise. J'entendais les hommes s'activer, et les femmes porter secours à leurs collègues. Dans cet amas de foule, j'étais intemporelle. Je n'avais clairement pas l'âge de voir ce genre de situations, et à côté de moi, Ethan et Kaya qui se tenaient droit, observant sans dire un mot les dégâts causés sur les lieux. Une arabesque de sang jonchait le sol, accompagnant la couleur par des morceaux de chairs et de multiples douilles à même le sol. C'était une oeuvre d'art à vomir les œufs ingurgités l'heure plus tôt. Les experts prenaient le devant sur Ethan, constatant un peu plus en détail les nouveaux morts rédigés sur un bout de papier. Administrativement, ils faisaient bien leur taff, humainement, on devait revoir le terme en détail. Leur faciès était inchangé, neutre et professionnel. A côtoyer la mort aussi longtemps, on devient clairement un cadavre ambulant.
Cal... - Ça va, ça va... Je commence à m'habituer aux morts. - C'est bien ça le problème... - Je suis assez grande pour rester.
Il soupirait, clairement plus intéressé par mon état psychologique, que leur carnet de santé. C'était lui tout craché. A se foutre totalement de la situation pour s'intéresser à cette infime part de pureté chez quelqu'un. Kaya quant à elle, avançait en direction de la pièce qui se dévoilait sur notre gauche, entrant avec appréhension d'y découvrir une horreur. Je pouvais entendre son soulagement suinter en dehors de son corps tout entier lorsqu'elle remarqua que le lit était vacant. Elle se reculait ensuite, laissant l'expert entrer en scène. Il analysait tout de la pièce, questionnant les quelques officiers qui étaient arrivés sur les lieux dix minutes après le drame. Encore une fois, le respect qu'imposait Ethan en disait long sur sa carrière. Serein, un timbre de voix agréable et des yeux brillants de vitalité, c'était le signe qu'il était intéressé.
Apparemment, il aurait réussi à s'enfuir. - Apparemment ou "il s'est enfui"? - Il s'est enfui. - C'est Hawks tout craché ça...
Ils se remerciaient tous les deux après la tonne de mondanités partagées. Je les suivait dans l'ombre, nous redirigeant vers la sortie. L'heure de la cigarette avait sonné. En cœur, ils s'en allumaient une tous les deux, expirant presque à la même seconde. Lorsque l'un semblait plus terre à terre sur la situation, l'autre piétinait de moitié, les mains dans les poches et les yeux vifs.
Et si il s'était fait avoir?! - Kaya... - Comment on sait où le trouver maintenant cet abruti?! - Kaya. - Hmf...
Ethan fermait les yeux, les cheveux bercés par la brise matinale. Son pardessus se permettait aussi de se laissait prendre par le vent, tandis qu'il le rabattait en enfonçant ses mains dans le creux des poches. Je les regardais tous les deux avant de m'intéresser un peu plus à ce qu'il se passait derrière. De nouveaux hommes en costard impeccable arrivaient sur les lieux, certainement pour ramasser leurs collègues.
Tu lui as remis ton cadeau? - Ouais... - Con comme il est, il a juste dû s'arrêter au recto de la feuille... - Certainement... Ce serait pas surprenant même. - Pourquoi tu t'intéresse à lui comme ça? - Parce qu'il me fait de la peine. - Un mec comme lui... Te faire de la peine... - Un peu comme moi avant que tu n'arrives... - Mmh. Je vois.
- Chapitre I-II:
Les différentes formes d'espoir commençaient à jouer de mon humeur. Je m'attendais à rencontrer l'homme qui valait des litres de sang, et je ne restais qu'avec l'écho qu'il créait en désolant un lieu de soin. Non pas directement, mais seulement par faute du destin et de ses actes. C'était une conséquence irrémédiable qui menait lentement à sa fin. Alors qu'Ethan retrouvait peu à peu l'intérêt d'apprécier la vie, son ami ou collègue faisait l'inverse. Ils ne s'étaient jamais réellement appréciés d'après lui. Ils se complétaient seulement, faisant à deux un barrage immense au crime en général dans le cœur de la ville. Néanmoins, les badges retirés, et les médias lancés à la chasse à l'image, laissaient le champ libre aux commandos de passer à l'attaque et de tenter de tuer l'ancien chef du LAPD.
Quelle vie de merde. - Hmm? - C'est humain de vivre comme ça? - Il s'accroche au vide, donc c'est plutôt balèze. - Ethan. - Hmm? - Et si Jason était juste seul depuis trop longtemps face à ses mensonges?
Il ne répondait pas, en m'observant sans bouger. Mal à l'aise qu'une gamine telle que moi lui lance une vérité qu'il n'affrontait pas lui-même il y a quelques années de ça. Puis Kaya traversait les deux officiers qui tentaient de maintenir la cohue pour plus de résultats, avant de chercher quelque chose à même le sol, ou perdu dans les débris d'un vieux vase. Elle soupira, venant se redresser avant de constater Ethan, articulant sur le Lys qu'elle lui avait apporté. Ce doux message que je ne comprenais pas, glissée sur la table de chevet d'un mourant en phase exponentielle en terme de poisse.
Et donc il n'y est pas? - Non. - Il a dû brûler avec la moitié de la chambre. - Si la fleur est encore par-terre avec ce bordel, c'est que le papier n'est plus là, mais qu'il a pas cramé, réfléchis. - Il l'a vu donc? - Ouais je pense.
Ils s'observaient tous les deux avec une harmonie parfaite dans le langage corporel. Ils se souriaient mutuellement, comme si ils avaient compris où il fallait en venir. Ethan composait un numéro sur son téléphone avant que Kaya ne continue d'argumenter par dessus l'action. Pressés par le temps et les facteurs.
Donne lui l'adresse exacte! - T'en fais pas. - Il viendra j'espère.
A ce stade, j'étais en train de comprendre que la situation était la suivante. Laisser un message sur le répondeur du portable et du fixe, l'incitant à venir chez Kaya. Tout du moins dans les grandes lignes, il n'était pas seul, mais ne le savait pas encore. Mais le plus difficile restait encore:
Il n'aura pas le message. - Faut essayer. - A mon avis il rentrera pas chez lui si il est traqué, et vu l'état de sa chambre d’hôpital, je pense pas qu'il ait un portable sur lui. - Ethan lui laisse quand même un message. - Et toi de ton côté? - Tu viens avec moi. - Hein?
Elle me tirait par la main, m’emmenant avec elle jusqu'à sa voiture pour m'inciter à venir avec elle. Elle démarrait en trombe, pressée, hâtée même. Nous laissions Ethan et ses anciens officiers tandis que nous partions en laissant une marque de pneus au sol. Dangereusement, la conduite était effroyable, mais ça tenait du personnage.
- Chapitre I-II:
Kaya, on fait quoi là? - On sillonne la ville, on le trouve et on le ramène. - Mais je sais même pas à quoi il ressemble!
Elle me fit un signe bref en direction de la boite à gant. Je me penchais en vérifiant son contenu. Il y avait plusieurs photos de personnes dont celles d'un homme. A chaque verso des images, il y avait les noms qui s'accordaient avec la personne. J'y retrouvais celle de Jason, froid de regard, impassible de faciès et marqué par quelques cicatrices sur le visage. Un bel homme pourtant, difficile de croire en se basant sur cet élément qu'il avait une tonne de morts à son actif et qu'il fut chef du Los Angeles Police Department pour son âge. Kaya nous faisait faire le tour de la ville, s'arrêtant dans des endroits improbables pour moi. Cherchant dans les ruelles, et jusqu'allant même à entrer par effraction dans certains lieux, manquant de déclencher les alarmes ou de se faire bouffer par les chiens du coin.
C'était quoi ta relation avec Jason? - Compliquée. - Dans le genre? - Je ne savais pas comment lui dire que j'avais peur de lui, mais que je voulais l'aider. - Ah. - A chaque fois qu'on se parlait, c'était toujours par insinuations et dérision. - Bizarre.
Elle m'expliquait alors la situation, comment elle était venue à le rencontrer. Ethan lui en avait parlé, et elle s'y était intéressée. Apprenant la mort de mademoiselle Hawks, la sœur de Jason, elle voulu rendre hommage à cette personne. Principale cause de sa chute, certainement une excuse pour lui faciliter la tâche. Jusqu'à ce jour fatidique où elle risqua sa vie pour simuler une mort certaine. Voulant le laisser seul dans ses songes et ses démons. Désormais, vu sa situation, elle estimait qu'il était temps pour elle de couvrir son cul et de clore la mise à mort.
Cu fond tu l'aimes bien quoi. - Je laisse ça à Tia. C'est pas pour moi. - Et puis Ethan serait peut être jaloux. - C'est différent. Il est là parce que je suis avec lui, et inversement. - Pourquoi lui avoir menti sur ta mort? - Pour me détacher de lui. Agir de mon côté et lui faire comprendre que je n'étais pas la seule à le tirer vers le haut.
A cette phrase, elle me regardait en souriant, m'incitant clairement à prendre la flatterie comme elle venait. Ca me faisait plaisir dans le fond, et je ne regrettais pas les morts sur le chemin pour continuer à vivre ainsi.
- Chapitre II-I:
Nous nous regardions tous dans le blanc des yeux. Dans ce bar à l'odeur de bois neuf, où les reflets de la glace nous dévoilait abattus. Nous ne l'avions pas trouvé, et ça faisait déjà pas mal de temps maintenant que l'histoire de l’hôpital s'ébruitait dans les journaux. J'oservais Ethan qui était plus concentré sur son whisky que nous autre réunis. Le silence régnait. Kaya tapait du talon sur le carrelage, impatiente que quelqu'un rompe le silence qui prenait ses aises. Et alors que nous pensions que rien d'autre ne pouvait rajouter une inconnue à l'équation, Mark arrivait, dévoilant derrière lui, un homme plus petit, et nettement plus âgé.
Mes demoiselles, monsieur, bonsoir.
Ethan se redressait dans un seul but de dominance, expirant quelques instants en observant le vieillard qu'il avait déjà croisé. Mark venait se laisser droit, à la droite du vieillard qui continuait de se diriger au centre de la pièce. A en voir les manies du père de famille, le petit vieux rigolait pas. Je constatait le patriarche Fitzermann se tenir droit, solennel et clairement pas à son aise.
Je vous présente Pedro Galvinez. - Enchanté tout le monde hmm. Bien que j'ai déjà vu cette fouine de Kaulins un peu partout dans mes affaires. - Pedro est le plus ancien contact de Toro depuis la création de l'organisation sous O'hara. - Mark allons... J'aurai pu me présenter moi même hmm. - Mes excuses.
Si il était possible pour les hommes de voir les âmes des vivants, celui-ci, malgré son âge avait quelque chose que je n'avais jamais ressenti auparavant. Le malaise sous ses lunettes se discernait totalement de son regard. A la moindre occasion, il aurait pu nous allonger sur la table la liste des personnes qu'il à tué, ou fait éliminer. Je n'avais certainement pas ma place auprès d'eux. Et je ne me contentais seulement d'écouter sans dire un mot. Espérant que ça se termine rapidement, et me réveiller d'un trop long cauchemar.
J'ai dépensé une sacré fortune pour avoir la tête de Kaulins hmm.
Ethan semblait avoir bien fait de se redresser, prêt à passer par la fenêtre à la moindre suspicion. Il commençait à perler de ses pores, le stress et l’appréhension, mais il n'ajoutait rien, restant sur ses gardes avant que le petit vieux n’enchaîne.
Mais avec la mort de Constantine hmm... Mark m'a gentiment demandé de prendre le rôle qui lui revenait. - Excusez-moi monsieur... - Oui ma p'tite? - Qui était cette Constantine? Celle de la soirée d'avant hier?
Le vieillard me souriait alors, venant prendre ses aises à côté d'Ethan qui ne bronchait pas, commençant son monologue.
- Chapitre II-II:
Constantine était en fait une rivale de Mark. Une femme qui était arrivée à la tête d'un groupe organisé de plusieurs parties sans forcer. Elle s'était éprise de l'ancien chef, lui faisant de nombreuses avances tout le long de sa direction. Ils eurent plusieurs relations, pas mal de bons moments et de mauvais moments jusqu'à ce que la vieille Effy ne coule avec ses membres. Le couple devenait alors les "maîtres" de la ville, laissant le reste aux pauvres et aux gangs locaux. Et c'est là où elle agit dans son propre intérêt. Elle attendait la nouvelle loi d'or de son groupe. La destitution du leader par trahison n'était pas réversible. Constantine à alors poignardé dans le dos, le chef du groupe pour prendre sa place et imposer ses règles à l'unanimité. Profitant du corps des autres chefs organisés pour acquérir leurs faveurs. Un sommet d'empire à quelques centaines de millions de dollars, la majeure partie de la loi dans la poche, et un trône où il était sûr pour elle d'y poser son cul.
Il y a six ans, les choses ont commencé à se dégrader pour elle, avec la prise en main du service de police par Hawks et Ethan. Se faisant, le transit de main en main était compromis, les coûts de livraisons étaient plus importants et ce qui la dérangeait le plus, c'était certainement que la corruption n'était plus qu'un mauvais souvenir. Dans la chute de Constantine, Pedro perdait lui aussi des milliers de dollars, c'était une conséquence désastreuse pour sa petite entreprise familiale. Et lorsqu'Ethan fut la conséquence de la vendetta de Jason, les affaires reprenait. Mais Galvinez n'avait pas vu venir une seule chose. Que Kaya se fasse passer pour morte et qu'Ethan retrouve sa place au sein de la famille Fitzermann au lieu de périr.
La suite à voulue que Mark soit arrangé par la mort de Constantine, mais il décida d'épargner Kaulins en échangeant sa vie contre la place qui lui revenait. Et Pedro dans cette histoire n'avait qu'à y gagner.
Et Tia dans cette histoire? - Hmm? - Vous lui avez parlé sur Marina non? - La petite Brune était juste une assurance de ma réussite. Sa vie n'est pas en danger. - Alors? Pourquoi vous êtes venu ici? C'est pas pour nous raconter tout ça non? - Exactement.
De nouveau, un blanc gênant s'était installé dans la pièce. Ethan reprenait une gorgée de son whisky, faisant taper le cul du verre vide sur le comptoir avant de soupirer. Il venait se décaler sur le sofa où j'étais assise, m'enfonçant un peu dedans lorsqu'il s'installa.
Vous recherchez Hawks hmm? - Je le cherche oui. - Donc Mark mmh. Ta fille n'en a pas assez? - Elle cherche seulement à éviter plus de conflits inutiles. - Vous ne me feriez pas un coup dans le dos hmm? - Papy, on est pas là pour reprendre la place que mon père t'a laissé. Je veux juste aider Hawks. - Hmmmmmmmmmmm.
- Chapitre II-III:
Avant toute chose, il leur fallait remonter le fil des événements. De ce qui avait poussé Jason à commettre un homicide de masse dans un club décalé sur Oak Springs. A décimer la moitié d'un groupe placé sur Downtown en demandant à tout va pour qui bossaient les personnes qu'il tuait sur son passage. Il fallait comprendre la racine et les conséquences de la prolifération du mensonge. Malgré le fait que Kaya pensait avoir bien choisi sa manière de leur faire ouvrir les yeux, d'autres n'ont pas pu et son resté dans ce cercle morbide où "la mort atteste la solitude". Ethan se redressait alors, enfilant son holster posé sur le dos du tabouret. Il termina son geste après avoir remis sa veste sur les épaules. Il prenait des clés au hasard, et s'extirpait par la porte d'entrée sans que personne ne le retienne. Il avait quelque chose derrière la tête, et comme à son habitude, il n'en parlait pas. Le petit vieux ricanait quand Ethan l'avait croisé, son jeu semblait se dérouler comme il l'avait prévu. Et il rejoignait Mark qui se dirigeait dans son bureau. Je me retrouvais en face de Kaya, bras croisés en évidence, elle voulait elle aussi bouger.
Tu veux venir? - C'est... Dangereux? - Je compte juste aller faire un tour en ville et m'arrêter au cimetière. - Je viens.
La soirée était belle, calme et éclairée par la pleine lune. J'aurai pu croire qu'il n'y avait rien d'autre que la paix depuis ces collines. Nous montions dans la voiture, en soupirant toutes les deux. Nous roulions en direction du centre ville. Personne de nous deux n'avait dit un mot durant le trajet. Dans une ruelle à gauche, la route était balisée. Cloturée par d'innombrables agents de police qui enquêtaient sur une grande scène de crime. Kaya n'y prêtait pas attention, continuant de rouler jusqu'à arriver devant un cimetière. Les spots lumineux qui le composaient renforçait l'aspect matériel quand il s'agit des morts qui pavent l'herbe que nous foulons désormais. On s'arrête devant une pierre tombale en particulier. Elle y déposait un bouquet de fleurs rouges, comme celle qu'elle portait à la tête, et celle dans le vase.
Je me penchais désormais en lisant les inscriptions où l'on lisait "Hawks" en capitales. Une femme, la sœur de Jason. Rest in peace. J'aurais aimé m'extirper d'une scène que je ne comprenais pas, me sentant de trop devant Kaya et l'esprit de la jeune femme qui devaient surement se dire que Jason était un top borné au dessus du raisonnable. Une minute de silence, avant de repartir. Nous reprenions le chemin de la ville où les activités des jeunes se terminaient. Les terrains de basket se vidaient lentement, laissant seulement la sono encore allumée pour permettre aux derniers de s'allumer un joint pour échapper à la réalité. J'observais Kaya, me demandant si elle aussi elle avait eu recours à ce genre de placebos.
Son portable sonnait désormais, venant le décrocher à l'arrêt sur une place de parking à la minute. Elle soupirait.
Kaya. - ... - QUOI?!
- Chapitre III-I:
Ethan avait disparu. Apparemment, quand un Kaulins disparaît comme ça, c'est pas pour prendre des vacances. J'imaginais encore moins simplement sortir pour prendre l'air. Je constatais dans le regard de Kaya qu'il y avait de l'inquiétude et de l'appréhension. A la suite de la visite du vieillard, il n'était pas comme à son habitude. Plutôt détaché et prévenant. C'était rare de le voir sur la défensive et j'avais eu raison de me douter de quelque chose. Nous cherchions désormais les deux choses les plus importantes de Los Angeles. Un chef de police aux nombreux mœurs discutables, et un assistant chef qui n'en était pas vraiment un. La voiture manquait de perdre l'adhésion à la route à chaque virage que nous prenions. C'était un enfer où l'on pensait mourir à chaque croisement avec Kaya qui ne lâchait pas une seconde de répit à la pédale d'accélération. Nous retournions d'où nous étions parties, la demeure sur Richmann. A peine arrivées que les hommes de main du père venait nous accompagner à l'intérieur. Il n'y avait plus que le vieillard majordome qui nous attendait au hall d'entrée, et une fois passée la porte de ce dernier, il entama les préliminaires.
Le portable de monsieur Kaulins à été retrouvé à une centaine de mètres d'ici. - Pas d'images sur les caméras? - Non mademoiselle... - Et les gars ils ont rien vu? - Malheureusement non mademoiselle. Ils étaient en train de se remplacer sur les rondes. La dernière chose qu'ils aient pu voir, c'est une berline noire. Un vieil homme au teint hâlé dedans. - Bandes d'incapables... - Que faisons nous mademoiselle? - Je vais le chercher avec la petite. On aura surement une piste, il peut pas rester tranquille sans faire de zèle. - Bien.
Elle remercia le vieillard qui me fichait la chair de poule rien qu'à le regarder dans les yeux. Elle se ruait dans les escaliers avant d'entrer dans sa chambre. Je la suivait du même rythme. Elle ouvrait une armoire, venant saisir une arme de poing qu'elle m'envoyait à la volée. Avec ceci, elle déposa deux chargeurs qui accompagnaient ce que je tenais, puis elle s'équipa du même genre de calibre depuis le bureau de Mark. Elle nouait ses cheveux en queue de cheval avant d'y apposer un bonnet noir pendant un soupir. Je ne savais pas trop quoi faire durant cet instant de tension. J'avais l'impression que le temps nous était compté et Kaya ne se ménageait pas en me faisant comprendre que la douche attendrait.
Prête? - A quoi faire? - Tuer.
J'observais les inscriptions sur la chambre du calibre que je tenais de mes deux mains. Les insignes étaient les mêmes que sur le zippo d'Ethan, avant que je ne soupire et ne demande si je pouvais éviter de perdre la seule chose qui me différenciait d'eux. Elle me regardait peinée, mais ne pouvait rien y faire. Elle reprenait l'arme que j'avais en main, venant la caler dans son holster alors qu'elle gardait l'autre en main.
Tu sais conduire? - Les bases seulement. - On va éviter de mourir ce soir hein...
Nous sortions de la villa, décidées à battre le record de chasse à l'homme. La question était simple, que faire pour retrouver la berline en question. J'en avais pas la moindre idée et Kaya ne semblait pas décidée à trouver une réponse. Nous étions toutes les deux dans la voiture, moi au volant sans le permis ni-même un nombre d'heure conséquent pour me permettre de ne pas paniquer. J'observais le volant tenu fermement par la nervosité de mes mains. Surprise par le choc de deux phalanges sur la vitre. Je tournais la tête avant de croiser Tia du regard, qui semblait vouloir nous dire quelque chose. Décidément, elle était toujours là dans les moments importants.
Laissez moi Ethan. - Hein?! Tu veux quoi la fliquette! - J'ai les moyens de lui faire retrouver son poste donc je vous conseille de rester en dehors de ça. - En dehors de quoi?! Dans quoi se trouve Ethan! - Il m'a prévenu que Pedro avait des informations sur "sa vengeance". - Mais de-... - Dernière fois.
- Chapitre III-II:
On se retrouvait face à une américano-nippone énervée. Je ne savais pas dire qui était la plus dangereuse des deux à cet instant précis mais le regard que lançait Tia était sans doute le plus déterminé que j'aie jamais vu depuis ma naissance. Elle se cramponnait là, au rebord de la portière alors qu'elle n'ajoutait rien en alternant entre nous deux pour nous convaincre de ne pas bouger d'ici. Son dernier argument était des plus convaincants. Elle agitait son smartphone qui affichait le dernier message d'Ethan qui disait avec exactitude où il se rendait et ce qu'il en découlerait.
Ne me vole pas Ethan. - Il n'a jamais été rien de plus que mon mentor. - Concentre toi sur Hawks plutôt.
Je ne comprenais pas grand chose, alternant entre les deux femmes. Kaya remontait ma fenêtre avant de me dire d'y aller. Inconsciemment, j'avais plus de choses en commun avec elle que Tia, et je ne voulais pas forcément rester sans rien faire en attendant qu'il revienne comme si rien ne s'était passé. Surtout que rien ne promettait son retour. Je soupirais, relevant mes yeux dans le rétroviseur avant de faire marche arrière. Je pouvais entendre la déception de Tia dans son souffle qui nous regardait partir sans rien ajouter ou tenter. L'adresse se trouvait sur les hauteurs de Las Collinas, rien de bien compliqué. Il ne nous restait plus qu'à trouver la berline en question et de rentrer avec Ethan. Nous cherchions la description de la voiture, une plaque singulière ou même un simple détail. Mais rien ne s'échappait de ses collines, nous laissant sur la réserve d'essence et nos rondes perpétuelles autour de la zone.
On s'arrêtait, demandait aux locaux si ils n'avaient pas remarqué cet homme sur la photo, accompagné d'un vieillard au teint mâte. Personne ne nous lâchait quoi que ce soit en guise d'information. Ils étaient tous muets et ça ne nous aidait pas. Kaya commençait réellement à perdre patience, menaçant le dernier individu qu'on croisait. J'étais désolé pour lui, et il sentait que sa vie venait de passer du stade de "cool" à "what the actual fuck".
Je te conseille d'être plus productif que ça, j'ai pas envie de passer mon heure restante à ramasser tes morceaux. - Te sientes superior pequeña?
J'avais quelques notions dans la langue espagnole, mais je sentais le ton monter entre les deux personnes. Le jeune latino avait une forme à l'arrière de la ceinture, et j'espérais que ça ne soit pas une arme qui se pointerai dans notre direction. Elle connaissait les lieux, elle était déjà venue ici. Et à en croire les tatouages on était face au gang local qui ne faisait pas parler de lui aux informations. Ils étaient tranquilles dans leurs affaires et la police ne faisait rien contre eux. Certainement parce qu'au fond ça ne touchait pas les civils lambdas.
Dime, dónde está este hombre. - No lo se. - Puta. - Te sentirás atraído por las molestias.
Mes espoirs se trouvaient réduis à néant. Il venait extirper son arme en braquant Kaya qui avait été plus rapide que lui. A contrario, elle n'était pas sous substances, ce qui venait d’accroître ses chances de se faire entendre. Une seule balle, qui se logeait entre la rotule droite et les ligaments qui maintenaient le mouvement du genou. Le jeune criait à s'en arracher les poumons, la douleur lui ayant fait lâcher l'arme. Elle s'accroupissait au dessus de lui, collant le bout du canon encore brûlant sur la tempe.
Galvinez! Dis moi où est Galvinez! - En el pasillo central! No me mates!! No me mates!!
Elle se redressait alors, tapant dans l'arme qui dévalait la pente plus bas. Elle laissait le latino se tordre alors que les gamins du quartier commençaient à accourir dans sa direction. Elle en avait profité pour m'attraper la main, venant me diriger dans le centre du quartier, vingts mètres plus bas. On se retrouvait sur un terrain de basket improvisé, avec des graffitis sur tous les murs. Une musique en fond, et l'envie de m'échapper d'ici comme un rat. On se retrouvait insultées en espagnol depuis les fenêtres. Ils avaient mon âge, ou moins. C'était relatif en fonction du bandana qu'ils portaient. On devinait leur implication.
GALVINEZ!!
Elle criait le nom comme si il nous entendrait dans ce bordel. Étrangement, je n'étais plus étonnée. Une porte sur notre droite s'ouvrait alors. Laissant trois types avec leurs armes en bandoulières s'avancer vers nous. Je n'étais pas à ma place, j'avais peur, peur de continuer à être excitée par le coup de l'adrénaline. Peur d'aimer cette situation en vérité.
- Chapitre III-III:
Kaya venait lever les bras en T, prête à se faire fouiller et retirer les armes qu'elle portait avec elle. Je faisais de même, et leur regard négligeant me permettait de comprendre qu'ils n'avaient aucune raison de se soucier de moi. Une belle bande de fils de pute qui se dressaient face à nous avec leur sourire narquois tracé comme la direction d'une putain dans une église. On avançait désormais dans les quartiers d'un appartement délabré qui laissait entrevoir plusieurs chambres. C'était une réunion du tiers monde à parier leur mère autour d'une table pour quelques dollars de plus. Plus on avançait, plus l'âge montait. Certains étaient tatoués des pieds à la tête, avec une carrure d'armoire en guise de décoration. Quelques remarques espagnoles, on se faisait tosser d'injures mais qui se calmaient en croisant le regard de celle qui marchait à ma gauche. La dernière porte s'ouvrait devant nous. On remarquait Ethan assis sur un sofa, confortablement installé, en face de ce vieux Pedro qui profitait de ses origines pour se planquer chez les pauvres.
Dans le fond, le risque de vous faire planter dans le dos est monté à plus de soixante quinze pour cent. - Hmm... Vous feriez ça? - Nan mais mon employeur serait fâché. C'est un risque qui continue d'augmenter.
Il se tournait par la suite, en souriant en coin. Il était plus à l'aise que les deux heures auparavant.
En parlant du loup... - Rendez moi Kaulins. - Hmmm... Mademoiselle Fitzermann... Quel fâcheux malentendu. - La seule chose qui sera fâcheuse dans cette histoire, c'est la manière dont on s'y prendra pour recoller les morceaux. - Vous oseriez en zone hostile mmh? - Donnez moi une excuse.
Je me glissais lentement à gauche d'Ethan, espérant que la situation ne s'aggrave pas plus que l'impulsivité de Kaya. Ethan souriait en ma direction, rassurant à son habitude; bien que ça n'aide pas à contenir la tension installée.
Kaya... Il faudrait peut être réfléchir nan? - Qu'il me rendre Kaulins. - Mais Ethan t'a pas trahi si? - Te mêle pas de ça.
Je me souvenais des discussions sur le toit de l’hôpital, où je découvrais qu'un Kaulins n'était fidèle qu'à lui même et à la somme qu'il valait. Jusqu'à preuve du contraire, il n'était pas en train de pointer une arme en sa direction, ou la mienne. Et ils ne semblaient que discuter sur son employeur, autrement dit: Kaya. C'est alors que la cohésion se fit entre mes pensées et les neurones qui s'activaient. Il avait le moyen de retrouver le confort de sa place au sein du LAPD, et ça pouvait causer de sérieux problèmes à Mark et sa fille. C'est là que Pedro est entré en scène. Au plus offrant la meilleure enchère. C'était des négociations discrètes qui pouvaient apporter quelque chose en plus à Ethan. Et c'est pourquoi Kaya avait menacé Tia avant de partir. Donner un prétexte pour un homme qui semblait avoir tout perdu, afin qu'il fasse un choix qui influerai sur chaque partis.
Ethan... - Hmm? - Tu comptes vraiment planter Kaya comme ça? Après ta réaction quand tu l'as revu? - Il y a certaines choses que tu ne comprends pas Cal... - Comme quoi? - Je te l'ai dit... Tu ne sais pas ce que c'est que de perdre quelque chose d'important. - Et alors? Elle a de la valeur à tes yeux non?! - C'est un fait. Mais la valeur ne se mesure pas à la simple question de ceux qui la manipule... - Hein? - Sometimes, you can fall.
- Chapitre IV-I:
Quand bien même il n'avait pas répondu à ma question, Kaya n'était pas en mesure de faire la maline plus longtemps, manquant d'énerver les latinos qui s'amusaient à redorer l'esprit de supériorité en pointant en sa direction, des armes semi automatiques qu'ils tenaient encore à hauteur de hanches. A cette triste réalité, elle baissa la tête alors que je continuais de l'observer sans mot. Elle avait compris qu'elle ne pouvait pas faire grand chose, et Ethan implantait un peu plus la lame qu'il remuait.
Ne sois pas triste, ça durera qu'un mois ou deux. - C'est trop long. - C'est pour le bien de tout le monde que je fais ça. - Et Cal alors? Tu vas jouer sur les deux flancs? Vince et Pedro? - Hmm-mmh. - Tu vas te faire descendre avant même que tu n'aies le temps de réaliser la différence sur la monnaie. - Au moins je serai resté fidèle à mes convictions.
Elle s'était approché de lui, lui décollant une gifle qui lui percuta la droite du visage. Il ne bronchait pas, il ne fermait même pas les yeux, ou ne laissait pas transparaître le choc sur sa joue. Ce que je ne comprenais pas, c'était le changement de situation entre le jour d'avant et celui-ci. Il était tellement heureux de la retrouver qu'au final il fini de nouveau par s'en détacher pour des raisons qui n'avaient pas encore été énoncées.
Pourquoi... - Hein? - Pourquoi tu fais ça Ethan... - J'ai comme qui dirai... Hmm... Des moyens pour lui redonner son poste au sein de la police mmh... - Il vient de te répondre Cal... Voilà pourquoi... - Mais ça ne justifie pas ça! - Quoi ça!
Je pointais du doigt Kaya qui se retirait de la pièce, l'air abattue et la tête basse. Elle ne disait plus rien, disparaissant derrière la porte en ressortant. J'avais envie de le cogner, mais je gardais cette pulsion bien au fond pour qu'elle grandisse un peu plus. Histoire de me permettre le jour venu de le lui rendre son erreur. Sans pitié, il ne comprenais pas grand chose aux sentiments des gens qui l'entouraient. Peut être qu'il était comme ça depuis le début, ou que quelque chose l'avait poussé à se renfermer aux autres sans laisser quiconque le percer à jour. Et dans cette déduction, je comprenais le lien qu'avaient pu avoir Jason et lui. Deux types qui broyaient du noir en laissant le sifflement des balles exprimer leur volonté de ne pas finir comme de la merde.
Ajoutons à cela que c'est le seul moyen pour monsieur Kaulins d'avoir des informations sur les actions de sa femme et les raisons de sa mort mmh... - ... - Vous savez tout mademoiselle... Votre innocence vous perdra... - En-... Ok...
Ca ne servait à rien d'argumenter ou de négocier. Je ressortais lentement, le pas lourd. Je ne comprenais rien. Je savais juste que les liens du passé n'étaient pas rompus. Laissant ainsi le vieux avoir l'avantage sur la disponibilité d'Ethan. Je mettais en second plan le fait de retrouver mon père. Rejoignant Kaya qui se tenait contre la voiture une cigarette à la bouche. Elle tirait tant dessus que je n'avais pas le temps d'y compter les secondes. Elle la jetait, s'en rallumant une autre dans la foulée. Elle attraperait certainement un cancer rapidement vu son état, mais dans le soulagement, elle n'avait tué personne.
- Chapitre IV-II:
Je l'observais finir son paquet. Je me glissais dans la voiture en soupirant lourdement. Elle faisait de même, littéralement parlant. En enclenchant le contact, elle agrippait fermement le volant, réfléchissant à la suite des événements. Elle se battait contre elle-même et je devais la contenir.
Deux mois... C'est rien... - C'est trop long... - Pourquoi tu ne le lui dis pas? - Hein? - Fais pas l'innocente ça se voit à des kilomètres... - Ah... - Alors? - Parce que c'est Ethan... - Je comprends pas là... - Parce que ça n'a pas de sens qu'une Fitzermann soit... Soit... "amoureuse" d'un Kaulins...
J'étais bouche bée face à la connerie du monde qui m'entourait. Bizarrement, c'était moi qui était la plus désappointée face à sa conclusion. C'était nouveau cette envie de cogner plus d'une personne dans la même heure et pourtant, je voulais leur faire comprendre que là, ça dépassait la logique des choses. Mais en y repensant, la logique était bien loin avec eux. Je soupirais de nouveau, me frottant le visage en simultané avec un facepalm des plus violents que je regrettais. Kaya en profitait pour ressortir de la voiture. J'avais réalisé que j'avais baissé ma garde, l'observant se diriger vers le centre avec son arme en main, tenue fermement de la droite.
Kaya! - Te mêle pas de ça!
Je m'extirpais au plus vite de la voiture, prenant de l'élan jusqu'à elle en espérant la rattraper avant qu'elle ne se mette à courir. J'arrivais à sa hauteur avant que mes oreilles ne se mettent à siffler. Je baissais la tête, en serrant la mâchoire. Mes tympans étaient un peu foutus pour l'occasion et ceux de Kaya ne s'en remettaient pas non plus. En relevant la tête, nous constations l'horreur. Les flammes ne s'étaient pas faites attendre, et les débris allaient bien plus loin qu'espérés. En face de nous, un gamin hispanique s’effondrait à terre sous les flammes qui le consumaient. Je ne mettait pas encore assez de parties de mon cerveau à profit pour comprendre, mais je savais que le bâtiment où se trouvait Ethan venait de faire un feu d'artifice complet qui ne laissait rien passer de plus que les enfers qui s'échappaient sous la fumée noire et opaque.
On se regardait avec Kaya pendant quelques secondes avant de se dépêcher. Ni elle, ni moi voulions croire que chaque personne à moins de cent mètres étaient rôties. Nous terminions notre course en face de l'entrée qui n'était plus qu'un tas de planches et de briques détruites. Nous forcions le passage, nous glissant entre les marrées de sang à terre et sur le mur. Les escaliers étaient encore intacts, chaque marche était importante et facilitait notre montée jusqu'à l'appartement. Derrière nous, un des hispaniques armé s'extirpait d'une couverture, commençant à ouvrir le feu en notre direction. Je continuais de grimper alors que Kaya s'était ravisée, tentant principalement de nous permettre de sortir plus tard.
Occupes-t-en! - Et toi? - Je vous attends ici!
J'arrivais en face des restes du mur et des tuiles, je venais me glisser à l'intérieur. Je constatais quelque chose que je n'avais encore jamais vu de ma vie. L'homme possède un intestin extrêmement long pour la taille normale d'un adulte. Je criais le nom d'Ethan, venant m'arrêtait lorsque je le voyais. Ravalant ma salive je comprenais que je ne pouvais pas le sortir d'ici. J'essayais de nouveau de me glisser entre les débris, contorsionnant mon corps pour passer, me rapprochant un peu plus avant que toute la pièce se déplace à une vitesse folle. J'observais derrière moi. La nouvelle explosion ne m'avait pas épargné. Tout mon esprit virait au noir au contact du mur d'en face.
- Chapitre IV-III:
C'était chaud, agréable et calme. Ce n'était qu'un vilain rêve duquel je me réveillais doucement. Je changeais de posture, me roulant sous cette couette épaisse, profitant un peu plus des rayons qui réchauffaient mon corps. Ma main venait rejoindre mon visage, plus fraîche que le reste de mon bras. C'était un contraste plaisant, qui chatouillait mes sens en me laissant échapper un rire serein, digne d'une adolescente qui se satisfait de peu de choses. On m'appelait plus bas mais je voulais profiter de cette journée pour flâner. Tant pis si je ratais le petit déjeuner, on ne m'en voudrait certainement pas d'être fainéante pour mon âge. C'était l'excuse parfaite sur laquelle je me justifiais souvent. Le corps change, on essaie de trouver notre place et savoir ce que l'on voulait faire plus tard. Je ne savais pas trop, je voulais surtout retrouver mon père, mais je ne m'en donnais pas les moyens.
Vince continuait de m'appeler de cette voix douce. C'était quelqu'un de bien qui se préoccupait beaucoup de moi. Lorsque je me faisais mal, il venait pour panser les écorchures, en me disant qu'une fille comme moi ne devait pas se battre pour quelqu'un d'autre. Il fallait se respecter un peu et respecter les autres. C'était son leitmotiv pour beaucoup de choses. Il cuisinait merveilleusement bien aussi, me montrant les ficelles de chaque ingrédient qu'il ajoutait. Parfois il s'emportait mais s'excusait les minutes suivant la querelle.
Je me roulais de nouveau, appréciant un peu plus l'air frais qui se glissait entre mes jambes. J'étais décidée à me lever. J'ouvrais les yeux lentement, constatant en face de moi la moitié d'un visage décomposé. Le reste de la pièce n'était qu'un amas de flammes et de cendres. Le plaisir se transformait doucement en douleur. La chaleur des rayons s'intensifiaient un peu plus, me laissant voir ma main gauche se cloquer au fur et à mesure. Elle se trouvait dans les flammes de ce qui laissait désigner être auparavant un mur.
Ma fille est morte... Ne vous en servez plus comme élément de négotiation.
Je me relevais difficilement. Ma tête semblait être une réunion agitée où chacun tentait de prendre le dessus sur une conversation où les mots étaient des cris. Je me frottais les yeux sous cette fumée opaque qui étoufferait quelqu'un d'inattentif. Derrière les débris je cherchais mon chemin pour rejoindre l'air frais de l'extérieur. Mes mains me brûlaient à chaque décombres que je déplaçais. Espérant me rapprocher de l'air frais à chaque centimètre que j'avalais. C'est enfin derrière les restes d'une poutre que j'arrivais à me relever. Les voyant alors face à face comme si rien d'autre n'était important pour eux. Là où la décoration était harmonieuse, où la lumière arrivait à faire son bout de chemin pour éclairer chaque pièce qui semblait plus accueillante les unes que les autres, il n'en restait rien. Il n'y avait plus que le crépitement des flammes et la chaleur des braises comme taie d'oreiller.
Ils ne faisaient plus attention à rien d'autre que leur propre existence. Je prenais mon souffle en main pour hurler leur nom qui se vit couper par la chute de plusieurs tuiles, me séparant de nouveau de deux hommes voués à s’entre-tuer. Je cherchais une nouvelle sortie qui se dévoilait sur ma droite, où je rejoignais alors le couloir qui n'était que l'antre des enfers. Lindsey se trouvait entre-elles, après une chute des escaliers qui l'amena dans cet état d'inconscience. Je saisissais son haut, ramenant un de ses bras sur mes épaules avant de la tirer vers la sortie. Au loin on pouvait voir les gyrophares de Los Angeles s'exciter en notre direction, grillant n'importe quel feu pour intervenir sur un incendie dans Richman. Il fallait bien payer les impôts et les riches étaient là pour ça.
Je reprenais mon souffle, saccadé par une toux sèche causée par la poussière et les flammes. J'y retournais. J'en mourrai peut-être mais je ne voulais pas que mon bonheur s'arrête comme ça. Je les retrouvais de nouveau, et j'hurlais leur nom entre la vie et la mort. Ethan rencontrait enfin un ange, mais ce n'était pas celui qu'il aurait espéré. Increvable, il ne pouvait rien faire face à celui de la mort. Cet ange trop sombre qui ne souriait pas. Qui n'ajoutais rien après avoir eu les réponses espérées. Il se contentait de vouloir le tuer. Et il le ferai certainement. Et je ne voulais pas. Je refusais en prenant un courage qui me semblait perdu. Il avait déjà tué des gosses, alors pourquoi devais-je me jeter sur lui. Je n'avais pas la réponse à cet instant précis alors que j'embrassais son regard morbide, bras ouverts en sa direction tandis que mes pieds quittaient le sol pour atteindre sa taille.
Je ne savais pas si Ethan avait réagit. Il m'a semblé que non, il ne savait pas quoi faire et ne voulait pas mourir bêtement. Son visage s'était décomposé en me voyant.
Il a crié mon nom.
Et j'étais sereine.
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