Quelque part sur la Cote Ouest de Californie. L'homme était lourdement adossé contre le coin du bar. La tête penchée vers le bas, il observait le fond de son verre qui n'était pas encore vidé. Entre deux inspirations, il tentait de se redresser. L'effort fut vain, et il revint à sa position initiale. Le cul au sol, le dos contre le bar, sa main droite contre l'ouverture de la plaie. Et puis un whisky chaud, c'était pas le top pour un amateur comme lui. Il riait de sa mauvaise fortune, lui, père de famille, lui, qui aimait jouer avec sa fille dans le jardin, lui, qui embrassait tendrement sa femme lorsqu'elle rentrait de son travail, lui, qui partageait sans compter avec ses amis. Lui. Lui qui accueillais sans broncher ceux de sa fille lors des fêtes d'anniversaire. Lui. Qui profitait de chaque instant pour être plus près de sa fille. Qui l'enlaçais tendrement chaque soir. Qui ne l'entendait plus crier lorsqu'il entrait en elle. Qui n'avait plus de remords à toujours pousser plus loin le vice. Qui sentait les corps frêles de ces enfants qu'il pulvérisais sous ses accoups. Qui hurlaient à l'agonie sous ses poings. Qui enterra sa femme qui ne comprenait pas pourquoi il aimait tant les gamins du quartier. Il n'était pas méchant. Loin de là, il voulait seulement montrer à tout le monde qu'il était quelqu'un d'aimant envers son prochain. Mais elle, elle n'arrivait pas à comprendre pourquoi. Cette silhouette qui, dessinée par l'opaque voile du bar en feu, s'approchait lentement un couteau de combat à la main. L'enfer se reflétait sur cette lame qui continuait de rompre les mètres qui les séparaient. L'homme paniquait à chaque pas qui perçait le son des braises. Et derrière cette fumée, un sourire satisfait se dessinait.
Ils se regardèrent quelques instants, venant alors figer le temps. Elle se tenait droitement malgré le danger des flammes. Son jean délavé et sa veste beige incrustaient les cendres qui continuaient d'affluer. S'accroupissant face à l'homme, elle posa la pointe de la lame au contact du creux de sa gorge. Elle avait un visage aux traits fins, une cicatrice venait accueillir quelques cendres éparses en son creux. Les yeux verts et le nez fin, son sourire était ravageur. Mélangé à la satisfaction et à l'envie de meurtre, il serait sa première victime. Il n'en était pas fier, détournant son regard vers son verre de whisky. Elle avait suivit ses yeux, venant alors de sa main gauche saisir le verre en question. Sa main s'approcha lentement des lèvres de l'homme. Un silence interrompu par une poutre qui venait de céder, mais ça n'empêcha pas l'homme de savourer son dernier verre. Puis il rouvrit les yeux, une larme tenta de couler. Le long de sa descente, la lame perfora la chair, venant scarifier les tissus sanguins jusqu'à sectionner la carotide. Le relent de sang était en trop, mais c'est ce que le corps humain réserve comme surprises.
Tout en se redressant, elle lança la lame le long de sa jambe. Le surplus de sang contre cette dernière venait heurter le sol. Tournant le dos à sa victime, elle soupira avant de franchir la porte ouverte du bar qui s'écroulera sous les flammes quelques minutes plus tard. Elle prenait son travail au sérieux, mais certains cas ne pouvaient pas être épargnés. C'est ce qu'elle avait compris avant de revenir sur la Californie.
C H A P I T R E 1
- Nuit chargée d'étoiles:
Oy... Ma grande. T'es sûre que tu veux pas te mettre quelque chose sur le dos? - J'te rappelle que vous avez débarqué chez moi à pas d'heure. - Quand bien même, fait preuve d'un peu de tenue, tu travailles là. - Raison de plus pour être à l'aise.
Carter ne savait toujours pas comment faire avec elle pour qu'elle se montre docile. Il était trois heures du matin, un sacré paquet de monde s'était amassé dans le coin de la rue avec espoir d'entrevoir un peu d'action. Malheureusement la situation était stagnante depuis la demie-heure qui avait précédé l'arrivée de Monsieur Carter dans l'appartement 103. Dans cette pièce se trouvait une femme à l'allure féminine. Jeune et plutôt bien constituée malgré un manque de formes à plaire aux hommes. De la dentelle noire, comme si le rendez-vous était galant. Une brunette au caractère antipathique dont les yeux verts émeraude s'éclairaient des néons de la ville. Une brise fraîche venait faire vaciller la chaleur de son expiration entre deux gorgées de rosé venu de France. La petite avait des goûts de luxe et savait les faire valoir. Un plat de beignets était posé à coté du verre en rebord de fenêtre, là où elle avait reposé ses coudes en observant l'extérieur accompagné d'une cigarette. Dehors, les négociateurs étaient sortis bredouille. L'affaire n'était pas conclue et ça se lisait franchement sur leur visage. Elle le savait, venant glisser un index entre la chair et la dentelle du bas afin de la remettre correctement. Penchée comme elle l'était, la vue qu'elle offrait à Carter semblait le distraire, le sachant tout autant, et n'en faisant rien.
Tsss'... Va falloir agir. - Tu pense t'en sortir? - Une demie seconde et c'est réglé. - Reçu. Laisse lui une chance au moins...
Finissant son verre, après avoir écrasé sa cigarette, elle soupira longuement. Venant reporter ses mains sur le 0.338 Lapua Magnum tout aussi posé sur le rebord, elle rajusta la lunette délicatement. La brise qu'offrait la nuit était légère et rafraîchissante, parfaite pour enfouir ses futurs remords. Son index droit venait flirter avec la gâchette tandis que de sa main gauche, elle rajusta la mèche tombante. Elle porta son œil au sein de l'optique. Deux crans sur la gauche, trente degrés plus bas. Les toilettes étaient le recoins parfait alors que les secondes s'accumulaient au risque de perdre la partie. Jouant le fou, elle l'annonça contre la reine, laissant le roi en échec. Une pression, suivit de la détonation. Un cadavre de plus qui n'aura pas eu le temps de se repentir, mais dans l'idée, ce n'était pas en mal.
Carter venait se redresser avant de soupirer. Il avait compris le sens de son nouveau soupir. Il ouvrit la porte de l'appartement avant d'en sortir, s'arrêtant alors sur le pan et annonçant:
Bien joué Shinobu.
Elle ne répondit pas, laissant alors le courant d'air la traverser. Elle ramena l'arme à l'intérieur, appréciant les étoiles se mouvoir dans l'appartement d'en face. C'était une nuit éclairée par les néons d'une ville agitée. Une nuit gorgée d'étoiles.
- Etoile et moi.:
Comment il se porte? - Fatigué.
Ils reprenaient tous les deux une bouteille de whisky en s'observant de chaque coin de la pièce dans laquelle ils se trouvaient. Shinobu ne relevait pas le regard, contemplant de cette fâcheuse manie des amants détruits, le fond de son verre. Elle le secouait lentement déformant l'opaque de la glace à chaque revers. Carter, qui était revenu le lendemain, connaissait bien les deux protagonistes. L'un était le plus ancien du LAPD. Il avait formé le chef actuel, la plupart des officiers de renom et avait prit durant quelques temps la petite Shinobu sous son aile. Ces mêmes ailes qui avaient fini par le porter trop haut, et qu'il s'était brûlé. Comme on pouvait s'y attendre d'un Kaulins, il renaît toujours de ses cendres, mais cette fois-ci, il avait épuisé toutes les vies qui lui restait.
Tia. - J't'écoute Carter. - Tu sais que même si il est l'assistant chef au LAPD il va devoir fin- - -je sais Carter. - Tu risque gros rien qu'en le laissant ici. - Mais tu n'en fera rien hein.
Et elle redressa ses yeux dans les siens. Ce n'était pas vraiment un secret qu'il était follement épris d'elle. Tout le poste de San Francisco était au courant. Un amour passionnel à sens unique qui l'empêchait de causer du tord à celle qu'il avait formé dans ce même poste. Celle qui maintenant était au même grade que lui. Il ravala le flot de salive qui s'était amassé au creux de son palais, finissant son verre de whisky. De ses yeux verts, il regarda Ethan, quinze ans plus agé que lui, sept médailles policières en plus, et trois grades supérieurs au sien. La jalousie était palpable mais la protection de Tia à son égard lui était bénéfique. Ce policier modèle et ce criminel incontestable rendait à ses pêchés l'équilibre parfait. Cette balance ne penchait pas plus d'un côté que de l'autre et il était impossible à Carter de dire à cet instant précis si il était une menace ou bénéfique à la société. Il n'avait pas sa place ici, et Tia le savait. Incontestablement, elle s'était résigné à l'emmener en justice.
Je te laisse trois jours pour décider. - C'est amplement suffisant. - Merci pour le verre.
Il se retourna, refermant sa veste d'un simple geste. Il déposa le verre sur la commode, accompagné d'un dossier d'enquête présentant au minimum une cinquantaine de pages. Il ne se retourna pas, acceptant le mélange amer de son breuvage à la jalousie. Tia quant à elle, observait de la fenêtre du salon la ruelle plus bas, s'appuyant de la force de ses bras pour se redresser et déposer son verre sur la table face à Ethan qui avait trouvé un sommeil profond. D'une seule main, elle caressa son visage qui, froid, n'était pas rugueux à ce qu'elle avait toujours cru. Ces cicatrices, du haut de son front, jusqu'aux marques des lames qu'il avait probablement esquivé durant toute sa vie, cette peau était trop douce pour son vécu.
C H A P I T R E 2
- Connerie:
Il finira par faire une connerie, et tu sera la première mêlée à cette histoire.
C'était la dernière pensée de Tia lorsqu'elle entra dans son véhicule de service. Ethan avait filé après une altercation avec elle, et l'avait laissé en plan dans son appartement alors qu'il venait de conduire vers sa perte. Il avait une nouvelle fois fui ses responsabilités et avait disparu au levé du soleil sur San Francisco. Malheureusement, elle n'eu pas le temps de le rattraper. Son bipper s'était excité sur la table basse, ne lui laissant de réfléchir au sort d'Ethan. Une situation complexe. Un jeune qui dérape lors d'une fin de soirée. Un trop grand nombre de capsules avalées et l'unique option que de se farcir une camarade de classe sans aucun consentement. Un viol à l'état pur avec une arme à la ceinture, deux flics d'abattus et une équipe d'intervention au point mort à la suite d'une prise d'otage. Tia avait répondu présente à son bipper et se dirigeait alors sur les lieux, quelques quartiers plus loin. Sans l'envie de faire dans la dentelle et certainement trop énervée pour essayer de réfléchir correctement, elle arrivait sur les lieux en trombe, coupant le contact du véhicule.
Elle s'extirpait de ce dernier sans saluer les officiers qui, au balisage se tenaient bien plus droit qu'un angle droit, elle ne pris même pas le temps de faire un point avec son collègue qui venait à hurler derrière elle alors qu'elle ne freinait pas sa marche. L'équipe d'intervention la laissait passer sans intention de l'en empêcher. D'un côté, si elle avait été formée par le chef de police de Los Angeles, il était préférable pour eux de la laisser faire. Carter venait surement de se détruire un poumon à hurler son nom alors qu'elle refermait la porte du garage pour pénétrer dans la bâtisse. C'était une boite de nuit clandestine tout ce qu'il y a de plus médiocre en la matière et les stroboscopes foireux qui ne s'arrêtaient pas en démontraient la qualité. Elle s'arrêta quelques instants en écoutant le bruit sourd des basses qui se dégageait des lieux. Elle constatait à sa droite les quelques cadavres d'adolescent et un du service de police de San Francisco.
Elle reprit sa marche décontractée, en s'avançant entre deux portes. Elle prit mécaniquement celle de droite en observant l'état des toilettes. Elle se regarda quelques instants dans la glace. Sous l'effet des stroboscopes, elle ne discernait pas réellement les traits de son visage. On aurait pu croire qu'elle aimait cette scène où elle, et elle seule avait le contrôle. Puis l'autre option s'offrait à elle. Tia s'annonça entre le pan de l'autre porte qui se trouvait en face du couloir. Une constatation simple, elle marcha sur un autre adolescent décédé, et longea son autre collègue. Elle se retrouvait face à cet ado qui, la queue au chaud, maintenait la victime d'un bras sous la gorge, une arme sur sa tempe, et son membre à l'intérieur de ses reins.
Gamin...
Entre un battement sourd des enceintes, Tia en profitait pour interpellé l'enfant. Surpris, et certainement apeuré, il s'arrêta net après avoir malencontreusement tiré sur celle qu'il était en train de tirer. Il apprit là la réaction simple de se pisser dessus, devant Tia qui ne bronchait pas. Impassible, son faciès ne démontrait aucune émotion sous les halos de la boite de nuit. Elle restait là, son Glock 17 en main le long de ses cuisses tandis qu'il venait lever l'arme en sa direction.
T'es pas très malin toi... - Ah... Ha! Hahaha!
Il se marrait simplement en la maintenant en joue alors que la joue de la nouvelle décédée heurtait le sol en un bruit vide. On appelait ça communément l'état de choc. Une vie de jeune adolescent qui en apprenait tous les jours.
Ne fais pas l'imbécile... - Vous-vous approchez, j'vous descend! - Je ne compte pas bouger de là. - Alors on fait quoi! - A toi de me dire si tu es assez intelligent pour te rendre... - Je... J'voulais pas en arriver là! - J'en connais d'autres dans le même cas... - J'voulais pas tous les tuer, j'vous jure!
Et elle comprenait parfaitement la situation malgré ses difficultés à entendre au travers de cet électro foiré. Il ne bougeait pas d'un poil, suivant le même protocole que Tia qui restait à le constater. Ils étaient tous des enfants perdu, et elle n'avait pas à chercher bien loin pour comprendre ce qui avait dérapé chez lui.
- Perdus:
J'vous jure que je ne voulais pas!! - Je l'ai bien compris, mais on peut s'arranger autrement... - J'peux pas revenir en arrière! - Mais tu peux arranger ce qui t'attends.
Ils discutaient encore et encore de la situation. Elle n'était pas le négociateur attitré du San Francisco Police Department, mais pourtant elle savait arranger certaines situations à sa manière en évitant les mort inutiles. Tout du moins, plus que ce qu'il y en avait actuellement. Et elle arrivait à lui faire baisser son arme gentiment tandis qu'ils discutaient sous une pile de cadavre qui avaient fini de se vider de leur sang. Tia était néanmoins sacrément irritée par une tout autre chose qu'elle ne pouvait pas gérer de la même manière, et surtout dans le flou. Et alors qu'elle venait à lui faire baisser les bras sur l'idée de tuer un autre policier, elle entendit une phrase qu'elle aurait aimer éviter de faire entendre au gosse.
Tia!!
Carter s'annonçait alors l'arme levée en la direction du gamin, qui fit de même en tirant le premier. En une fraction de seconde, il était passé du stade sous contrôle à panique totale. L'échange de coup de feu ne se fit pas attendre. Tia venait prendre couverture derrière le montant du bar en s'extirpant de la vue du gamin alors que Carter avait comme un chien apeuré, reculé derrière le couloir, continuant de vider son chargeur avec l'adolescent. Elle soupira et se faisait basculer sur le côté du bar avant de pouvoir avoir un bon visuel sur l'arme de l'enfant. Elle cherchait uniquement à le désarmé alors que Carter, une nouvelle fois, venait aboyer comme un innocent.
Maintenant! T'as l'occasion!
Le camé se retourna alors en direction du bar, laissant les quelques balles restantes dans le chargeur saluer gentiment le regard de Tia. Il ne voulait pas mourir, et elle non plus. Questions de réflexes, elle était prédisposée à tirer la première, mais elle s'arrêta net en constatant les larmes brillantes au néons de l'enfant. Elle se remit à couvert alors qu'une seule balle se fit entendre. Carter venait de le descendre en lui ouvrant la boite crânienne avant de s'écrouler au sol. Il se rua sur l'enfant pour constater les dégâts. Il posa un genou à terre en observant Tia sortir de sa couverture. Elle le rejoignait lentement sans ajouter un mot.
Rien de cassé? Aide-moi à le fouiller pour avoir son iden-..
Il fut interrompu dans son monologue. Sa dentition venait d'accueillir le talon droit des rangers de Tia qui hurla en direction de Carter. Décidément, elle était réellement à bout. Le choc devait bien lui avoir cassé une ou deux dents en avant, et il était espoir d'un nez brisé sous le coup. Tout aurait certainement pu se dérouler autrement, mais il fallait qu'elle lui fasse manger ses phalanges pour qu'il comprenne qu'elle ne le remerciait pas, et qu'elle n'avait jamais eu besoin de son aide.
Elle se redressa alors, le laissant ravaler son sang amèrement, puis elle se dirigeait vers la sortie de cette boite de nuit. Elle s'arrêta net en observant ses collègues en dehors, elle soupira en plongeant les mains dans le fond de ses poches d'uniforme et ajouta d'une manière que peu connaissent:
Carter à fait le con. Je lui ai fait comprendre. Il vous fera le rapport balistique à ma place.
Et elle s'en alla, déclenchant une vague de questionnement à son encontre. C'était pas le bon jour, peut être les règles, elle s'est faite larguer. Des tas de bassesses inutiles aux vues de la situation. Et une fois remontée dans son véhicule, elle composa le numéro d'Ethan. Quelques bips, quelques temps entre chaque. Mais aucune réponse. Aucun message de laissé. Elle le composa une nouvelle fois, mais identiquement, la réponse n'était que l'accusée de réception du message.
C H A P I T R E 3
- Echo:
Si tu es encore là aujourd'hui, c'est parce que moi et moi seul ai fait en sorte de t'éviter les problèmes.
Comme un écho au fond de la tête, elle le renvoyait en soupirs. Une mine fatiguée, une tête baissée, une démarche lente. Les parfaits éléments qui affirment une peine sans que Tia ne soit capable de les cacher. Elle longeait la ruelle de Pershing sans même prêter attention au poste de police. Quelques heures auparavant, elle avait décidé de rejoindre l'appartement d'Ethan après cinq heures de routes. Ce dernier ne répondait plus à ses appels et après l'incident au nightclub, Tia avait jugé bon de prendre quelques jours de repos pour "problèmes personnels". Le genre de motifs qui ne plaisent pas forcément au patron, mais étant donné son état, il n'osait pas la regarder dans les yeux lorsqu'elle avait quémandé ses jours-ci. Comme si tout le monde commençait à rejeter Tia. Comme si le monde lui-même évitait de la faire s'accrocher à quelque chose, ou alors, pour lâcher prise quelques instants plus tard.
Quand est-ce que tu t'es posée la question si il n'aurait pas été heureux d'avoir un appel!
Un nouvel écho des paroles enragées d'Ethan. Il ne criait pas souvent, voire même trop rarement. Elle pensait qu'il était du genre à ne pas s'emporter, ou à ne pas savoir hausser la voix. Pourtant lorsqu'elle le vit trente minutes plus tôt, il venait de perdre ses moyens. Et elle soupirait de nouveau en constatant que la justesse de ces propos était tout aussi cinglante que le mal que ça lui faisait. Tia serra la mâchoire, en s'enfonçant un peu plus dans sa veste. Se dirigeant vers Marina Bay, elle ne levait pas plus la tête aux signalisations qui l'autorisait à traverser. Quelques rappels en coups de klaxons. Quelques insultes à l'accent trop prononcé. Quelques pas de plus vers la jetée. Puis des gamins. Une tonne de gamins jouaient à la balle sur la plage alors que les parents les observaient. Des couples tout jeunes, des familles recomposées ou de simples amoureux qui trainaient et s'avançaient dans le temps. Ils auraient une belle baraque avec une fille qui serait l'ainée, un cadet qui serait têtu. Il aura le visage de son père et les yeux de sa mère. Quant à elle, Tia n'y prêtait plus attention. D'un pas discret, d'une allure peinée. Elle retirait son portable de sa poche, en constatant le fond d'écran qu'elle n'avait pas changé depuis des lustres.
Cette photo était prise en toute discrétion. Jason donnait quelques ordres alors que Benson s'activait à les transmettre, et au fond, Ethan qui lorgnait un dossier. Ils étaient tous occupés à quelque chose, et elle, à contempler sa nouvelle pièce rare qu'elle convoitait depuis des années. Quelques amis, quelques personnes importantes. Une trace de son passage dans leur mémoires. D'une seule main, et le numéro composé, elle s'arrêta dans sa marche. L'appel durait, mais la personne au bout ne décrocherait peut être jamais. C'était compréhensible. Elle était partie et avait insinué avoir tracé un trait sur cette partie de sa vie. Mais au fond, comme beaucoup de choses, ça lui manquait. L'appel ne donnait rien. Elle se tourna sur sa droite, en soupirant avant de payer une caissière trop jeune pour être déclarée. Deux donuts qu'elle avalerait certainement sans en apprécier le goût. Ca sonnait dans le vide. Une troisième fois, et elle se déciderai à laisser un message sur le répondeur. Durant ce court laps de temps, elle revenait apprécier de voir des personnes normales sur un lieu anodin.
Une nouvelle fois, ses appels ne donnaient aucune réponse.
Jason... C'est... C'est Tia...
- Courage:
Elle aurait aimé lui raconter un an et demi de vie passée en une trentaine de secondes mais elle n'y arrivait pas. Ce laps de temps ne servit qu'à renforcer le blanc dans le microphone. Si c'était de la qualité il pourrait certainement en entendre les vagues et les enfants qui jouent sans se soucier de la vie et de l'importance de leur acte actuel. Elle aurait aimé lui dire qu'elle s'excuse de ne pas avoir donné de nouvelles. A quel point elle se trouve conne de ne pas avoir été utile dans sa vie ou dans celle d'Ethan. A quel point même Ethan semble la rejeter, tout comme lui à l'époque. Elle se doutait certainement que le message finirait dans le vent. Que peut être il était déjà mort ou qu'il venait totalement de perdre la raison. Si Ethan entamait de nouveau sa jolie descente dans sa dépression, Jason n'en était certainement pas loin.
Je... Enfin je... Rappelle moi. D'accord?
Elle n'avait pas encore raccroché. Elle se détestait à l'instant même de ne pas avoir le courage de formuler une phrase aussi simple que ses excuses accompagnées d'un manque et pour finir, donner une date qui l'arrangeait pour se revoir. Simple comme bonjour en apparence, et difficile comme s'appeler Shinobu au milieux de ce bordel en pratique. Elle ne savait pas comment l'aborder car elle avait peur de savoir comment il était devenu. Son pouce raccrocha au pavé tactile alors qu'elle verrouillait son téléphone qui plongea dans sa poche d'un simple geste de la main. Tia entamait alors la première bouchée du deuxième donut, mais ses papilles ne reconnaissaient pas le goût qu'elle pouvait définir à l'époque. Peut être que l'âge ne l'avait pas aidé. Peut être que son poste de Lieutenant aux cafés trop amers avaient eu raison de sa folie des pâtisseries rondes. Et un nouveau soupir s'empressait de fendre l'air qu'elle inhalait. Elle pouvait remuer la situation dans n'importe quel sens, Jason lui manquait. Et elle pouvait se justifier tant bien des manières, ses excuses ne valaient rien.
T'as ça dans le sang! T'es égoïste!
Un égoïsme parfais. Un égoïsme de préservation. L'une de ses plus grandes qualités qui se transformait lentement en un défaut qu'elle ne voulait plus constater. Elle souhaitait du réconfort. Elle souhaitait quelqu'un pour l'entendre elle aussi, pleurer sans retenues. Sous un courage qui s'efface lentement pour révéler sa fragilité.
Vous en faites une tête...
Ses yeux se redressaient lentement de ses pieds pour croiser ceux d'un vieillard qui marchait par là. Elle se trouvait en plein milieux de l'allée et il s'était arrêté pour la constater avec son air accablée. Tia laissa apparaître un sourire des plus forcés avant de s'excuser de la plus maladroite des manières. Mais elle n'y pouvait rien, on l'avait poussé à avoir ces pensées qui l'attristait.
Quand je ne me sens pas bien, j'aime bien déguster un donut sous le couché du soleil. C'est... Reposant. - Ils n'ont plus de goûts... - C'est qu'il doit y avoir forcément une raison derrière ça hmm?
Le vieil homme se tenait les mains derrière le dos, légèrement penché avec l'âge et ses cheveux, ou le peu qui le lui en restait partaient en bordel comme l'explosion d'un feu d'artifice. Un vieux sage qui devait prendre son pied à aider les demoiselles en détresse pour le simple plaisir d'avoir parlé à quelqu'un dans sa solitude en maison de retraite. Elle n'ajoutait rien en le dévisageant, maladroitement.
Excusez ma curiosité... Je vous souhaite une bonne soirée mademoiselle.
Puis il reprenait sa route en se décalant d'un pas pour éviter de heurter Tia. Elle ne bougeait pas en le dévisageant alors qu'elle reprenait son portable d'une main. Un nouveau soupir se laissait entendre à la composition du numéro, puis sa main porta le téléphone à son oreille. De nouveau, les mêmes bips étaient en parfaite synchronisation à chaque trois seconde qui défilait. Et de nouveau, ce même répondeur à la voix monotone.
Jason... C'est encore moi... Je-... Je voulais juste... Enfin... Tu me manques quand même... J'aimerai bien qu'on se... Qu'on se voit quand tu sera disponible... Rappelle moi...
C H A P I T R E 4
- Choix:
Elle s'installait là, sur le rebord de la plage. Ses fesses venaient lentement caresser les quelques pierres entassées qui servaient de support. Un siège rustique, suffisant pour son poids. Ses mains venaient se loger dans sa chevelure qu'elle ramenait en arrière, laissant le vert de ses yeux contempler les personnes qui arrivaient à avoir le temps de profiter d'un coucher de soleil en bord de mer. Ces couples trop parfait qui lui faisaient mal au moral, qui la rendaient triste dans des moments comme celui-ci. Un soupir de plus laissait échapper du bonheur en moins. Sa main droite saisissait le smartphone qu'elle avait laissé dans la poche arrière de son jean. Elle le regardait comme attendant un appel, comme voulant déverser un torrent d'amour au travers d'un micro. Et pourtant l'heure passait. Un simple clignement de ses yeux et la plage était désertique. Le soleil avait rendu l'âme pour la journée, laissant alors une lune trop claire prendre le relais. Les deux, trois plagistes reprenaient lentement leurs affaires, décidant qu'il était l'heure de rentrer alors que les hommes de la nuit se levaient pour animer la baie.
La grande roue de Marina étincelait alors au rythme d'une musique qu'elle entendait au loin. Tia ne se redressait pas de son support. Son portable n'avait plus de batterie et elle s'accusait de s'accrocher à quelque chose dont même les prises avaient lâché.
Dites-moi... Vous aimez les paris perdus d'avance?
La brunette venait tourner le regard, interpellée par une voix qu'elle reconnaissait. Elle haussa un sourcil quand elle constata ce même vieillard perdu, le crépuscule d'avant. Mécaniquement, elle ne laissait pas grand chose transparaitre au travers des cernes qui se creusaient à vue d'oeil. Elle serrait simplement la mâchoire en soupirant un peu plus. Les battements de son coeur s'accéléraient gentiment comme au départ d'une course difficile. Elle ne répondait pas, en observant toujours le troisième âge avec sa question sans réponse, et sa canne plus fébrile que lui.
Voilà qui est embêtant...
Il levait un pied afin d'avancer, il se décala et venait poser un arrière train qui aurait pu être broyé à n'importe quel moment. Il tenait sa cane de ses deux mains comme ces petits vieux qui ne peuvent plus rien constater d'autre que leurs mains qui flétrissaient, laissant l'âge, irrémédiablement faire son chemin jusqu'au coeur.
Voyez-vous mademoiselle, je n'ai pas la patience d'un homme à qui il resterai trente années à vivre...
Il n'était pas menaçant à première vue, il avait ce même sourire que dans l'après-midi, et cette même expression de cadavre ambulant qui ne souriait jamais sans son dentier.
Quels genres de paris?
Bizarrement, il avait surement dût sortir le plus beau dentier de sa collection avec le sourire qu'il affichait. Des dents blanches, qui s'illuminaient sous la lune mélangée aux néons de la grande roue. Il s'approchait un peu plus du visage de Tia, il la reniflait surement en constatant qu'elle ne portait pas de parfum et certainement pas de maquillage hormis l'eye-liner qu'elle utilisait tous les jours. On lui avait dit un jour que ça renforçait l'interlocuteur à être regardé dans les yeux plutôt qu'entre son décolleté.
Lequel de ces deux oiseaux mourra le premier?
Il désignait deux espèces d'oiseaux totalement différents qui cohabitaient sur la plage. Un Geai de Steller dont les plumes étaient d'un bleu marin. Un bel oiseau qui semblait se débattre d'un filet dans lequel sa patte droite était prise. Et de l'autre direction, il désignait un Tangara à tête rouge. Un oiseau plus petit qui vaquait à ses occupations en dénichant des restes sur le sable.
Deux oiseaux prédateurs dans leur espace naturel, l'un était actuellement en train d'user de ses forces pour s'extirper d'un piège alors que l'autre ne se souciait de rien et continuait à dénicher des restes que les hommes laissaient par leurs sales habitudes. A première vue, la réponse la plus simple était:
Le bleu du fond là bas...
- Considération:
Vous considérez donc que le petit bleu mourra plus tôt? - Exactement. - Et pourquoi donc?
Il se débattait fermement en agitant des ailes pour s'extirper de ce filet. Sous les piliers qui maintenaient la plateforme, il y avait un nombre considérable d'objets qui pouvaient causer du tord à de simples oiseaux. Elle le savait et elle lui avait expliqué sans une once de peine pour l'animal, elle continuait d'affirmer que si il avait déjà une patte dans ces mailles et quand bien même il arriverait à s'en sortir, rien ne confirmerait qu'il ne se reprendrait pas dedans. C'était un oiseau, un vulgaire oiseau, trop avare et inconscient du danger.
Vous semblez sûre de vous. - Je le suis...
Il venait remettre sa canne en un support typique et apprécié des vieux. Il venait observer les deux volatiles qu'il avait désigné auparavant, en laissant un soupir s'entendre. Il croisait les jambes en cherchant un autre sujet de conversation alors que le temps s'évaporait lentement. Cette lune trop claire continuait de traverser l'orbite qu'elle avait dessiné des milliards d'années auparavant.
Et par rapport à ces deux hommes dans votre vie?
Tia stoppa net, le cycle de sa respiration. Elle n'osait plus bouger, ni même tourner son regard dans la direction de l'homme qui posa une question qu'il n'aurait pas dût poser. Elle savait qu'il la regardait, elle savait qu'il attendait une simple réponse pour surenchérir avec une autre question. A cet instant précis, elle hésitait à écourter sa vie, et passer du côté où ces deux hommes arpentaient désormais les pavés.
Je ne vois pas de quoi vous voulez parler... - Allons mademoiselle... Vous savez pertinemment que c'est la réponse des personnes concernées... Vous devriez le savoir, avec votre nombre d'enquêtes et d'interrogatoires...
Décidément, il semblait en savoir plus que ce que sa vieille carcasse ne pouvait assimiler d'extérieur. Ce petit vieux la constatait encore et toujours depuis la dizaine de minutes qui s'avançaient sans se voir rompues par quoi que ce soit; imperturbable, à contrario de l'esprit de Tia.
Monsieur Kaulins, et Monsieur Hawks... Que pensez-vous de la question...
Lequel des deux viendrait à mourir le premier était une question qu'elle essayait de ne pas se poser. Elle n'en savait même pas la réponse, quand bien même la balance se penchait pour une personne en particulier, elle refusait de le dire oralement.
Vous le savez au fond de vous... Si vous mourrez la première, ils vous suivront tous les deux bien gentiment... - Je... Je ne crois pas... - Mmh? - Je... Je ne suis rien à leurs yeux... - Vous le pensez vraiment?
Et elle affirmait d'un silence pénible. Elle se refusait d'y répondre oralement. Dans ses pensées, il était certain qu'Ethan ne la rejoindrait pas après trente ans à passer à survivre. Après le nombre de criminels sous les barreaux, ainsi que celui des groupes qu'il avait réussi à infiltrer et démanteler. Même si c'était une ordure dans le fond, et ses actes motivés par une vengeance inutile, il avait sauvé plus d'une personne de tout ça. Quant à Hawks, elle songeait que revenir vers elle était le cadet de ses soucis et qu'il était certainement plus préoccupé à se protéger de lui-même au lieu de jouer les héros inutilement.
Si ils venaient à mourir... Que se passerait-il?
Elle le tuerai. Elle le saignerai de la même manière, qu'importe le défunt. Elle mettrai tout en oeuvre pour le faire saigner même au plus profond des enfers. Sous ses airs de fille perdue, elle avait gagné depuis des années une expérience peu partagée. Elle avait été élevée à la dure, extirpée d'un cercle illégal, libéré de ses vols. Elle survivait à l'époque à sa manière, et elle savait désormais se défendre. Elle n'avait pas besoin d'être protégée, et même si elle était braquée à l'instant T par une lunette, elle était déterminée à vivre et à le tuer de la même manière, que ce soit Ethan ou Jason.
Le vieillard venait à sourire, comme satisfait de sa réponse avant de baisser une de ses mains de la canne. Il n'était pas dangereux, et le seul danger qui aurait pu être présent venait d'être effacé. Une méthode qu'elle connaissait. C'était une méthode qu'elle avait entendu depuis la bouche d'Ethan. Ne pas savoir si elle s'en sortirai ne lui avait même pas traversé l'esprit. Elle était simplement déterminé à vivre et n'envisageait pas de finir sa vie ici, une balle dans la tête.
Ils ont besoin de vous. - Comment ça? - Trouvez la réponse, je vous ai juste dirigé.
C H A P I T R E 5
- Choix:
Elle le regardait s'en aller, le corps en décomposition. Une brise fraîche venait soulever une de ses mèches qu'elle remit lentement de deux de ses doigts. Le vieillard ne se retournait pas, il sifflotait seulement un air londonien qui se comparait à certains rythmes repris par les musiques électro d'aujourd'hui. Ses yeux cherchaient une lumière scintillante au loin, enquêtant sur la probabilité qu'un simple point se trouve sur son corps, près à lui faire rencontrer un objet chaud, létal et particulièrement douloureux en fonction de l'emplacement qu'il aurait choisi pour carboniser sa chair et ses globules rouges. Elle ne bougeait pas, en plaçant lentement les mains dans le fond des poches de son jean, nonchalante et certainement à l'attente d'une quelconque réponse par les actes du vieux. Son portable n'avait toujours pas de batterie, il ne s'était pas rechargé par la bonté du saint esprit, et elle n'avait certainement pas plus intérêt à convier une personne lambda auprès d'elle. Alors elle ne fit rien. Laissant son bonheur s'échapper par des soupirs nerveux. Laissant son corps se préparer et son cerveau à anticiper le choc. Mécaniquement elle crispait la mâchoire, et observait les quelques bateaux qui avaient mouillés sur la plage se faire balancer par les vagues qui se brisaient contre le sable. Les oiseaux avaient réussi s'échapper du champ de vision de Tia, lui indiquant que son jugement était certainement erroné. Néanmoins, il n'était pas impossible pour eux de crever dans d'autres circonstances. Le naturel ne s'efface pas.
Après une dizaine de bonnes minutes à espérer qu'elle ne remarque pas la blessure, Tia soupira de nouveau. Un soupir de soulagement duquel s'échappait beaucoup trop de questions sur un si petit laps de temps. Un pas derrière l'autre, elle reculait jusqu'à tourner son corps entièrement et reprendre le chemin de la sortie de la baie de Marina. Son avancée était longue et ses interrogations nombreuses. Qui était le vieillard, d'où connaissait-il - et Ethan - et Jason, d'où venait-il et comment connaissait-il son implication avec les deux hommes. Il faut dire que sur un dossier de Lieutenant du SFPD (San Francisco Police Department) âgée de vingt-trois ans, et entrée par recommandation des deux pires et meilleurs officiers de commandement du LAPD depuis quinze ans, ça laisse une trace. Néanmoins ça n'expliquait pas le lien entre le sexagénaire et eux.
Pourquoi tu t'arrêtes? - Pour une raison précise.
Tia s'arrêtait alors elle aussi. Relevant sa tête par curiosité elle remarqua un physique trop familier pour l'occasion. Il devait faire du babysitting un peu trop souvent vu la différence d'âge qu'il avait avec la blondinette qu'il fréquentait pour la soirée. Certainement une pute de luxe que les hispaniques envoyaient sous une certaine somme d'argent. Elle n'était pas contente, son faciès exprimait clairement un air dubitatif. Et Ethan pour le coup ne souriait pas forcément.
Tu apprécie l'air marin?
C'était maladroit. Fortement déplacé. Et totalement incompris par Tia. Elle venait grincer des dents à la question d'Ethan et n'affichait pas plus qu'une neutralité sans précédent sur son visage à la vue de l'homme. Il ne comprenait pas forcément et la gamine semblait observer un tournois français de tennis à alterner entre les deux personnes. Elle attendait que Tia lui renvoie la balle, mais elle était longue au service.
Certainement plus que tes penchants. - Je te demande pardon?
Il était étonné et c'était à son tour de ne pas comprendre la situation. Il ne comprenait pas grand chose parfois. Une fois qu'il était borné sur ses objectifs, lui faire comprendre que c'était totalement en dehors de la morale et de la loi, c'était un peu expliquer à un sourd, pourquoi il est devenu sourd, avec des mots, sans articuler, et des séquelles d'un AVC sur le visage pour corser la chose.
Tu vas m'expliquer que ton grand oncle qui n'est pas réellement ton oncle mais que c'est comme ça, à une fille qui est en fait ta soeur ou sa mère, et que c'est compliqué parce que tu ne sais pas où tu en est et qu'elle n'est pas dans le cadre professionnel? - Ah... Euh... - C'est compliqué hein? - Elle s'est perdue, elle cherche son père.
Elle n'avait pas franchement l'air perdue, mais c'était un spectacle assez rare venant d'Ethan de s'intéresser aux malheurs d'une fillette qui ne devait pas faire plus de seize ans. Et pour couronner la chose, il n'avait pas l'air de mentir, en observant Tia dans le fond de ses yeux.
Ah... - Dans les faits, c'est ça. - D'accord.
Réponse typique d'une frustration débordante en cette fin de soirée. Elle venait soupirer un peu plus en mettant à l'épreuve la flexibilité des poches de son jean puis relevait la tête en direction des deux personnes qui se trouvaient en face d'elle. Elle voulait s'excuser de s'être légèrement acharnée sur lui en une seule phrase mais il la coupa net.
En fait, c'est surtout parce qu'elle a fait sauter mon bar que je me suis dit qu'il fallait que je l'aide à retrouver son père. - T'es pas sérieux Eth-.. - Et puis faut dire que son .44 Magnum est assez impressionnant pour ne pas succomber aux demandes de la petite.
Elle n'ajoutait rien, c'était sa manière à lui de demander de l'aide sans réellement en demander. Trop fier pour prononcer les mots fatidiques et trop faible pour mentir à quelqu'un comme elle. Tia ne savait plus quoi dire, elle se contentait d'observer la gamine et Ethan sans réellement savoir quoi faire dans ce genre de situations jusqu'à ce que l'information percute le lobe de son cerveau, la faisant soupirer un peu plus sur l'instant.
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